Warren Miller et le chant de l’oiseau

Un an après le tournage, Michael Bird Shaffer revient sur son expérience avec Warren Miller Entertainment lors du tournage de Face of Winter. Le segment fut filmé en plein Festival Unlimited à Chamonix, avec Bruno Compagnet et Camille Jaccoux en invités vedettes et un oiseau tournoyant entre ciel et terre pour marquer l’histoire qui l’unit à la marque aux chevrons. Bird raconte en mots, Layla Jean Kerley en images.

Dans le dernier film des productions Warren Miller, Face of Winter, le segment de Black Crows rend hommage à l’homme par qui tout a commencé.

Layla Jean Kerley

Chamonix, terre d’origine de l’extrême.

Rien n’est jamais certain.

Comment aurais-je pu me douter que cette rencontre avec ce barbu au regard pétillant et affublé d’une grosse caméra voilà des années au sommet de l’Aiguille du Midi, allait changer ma vie.

À l’époque, je n’y ai pas trop prêté attention car j’allais décoller en face nord. Mais quelques années plus tard, assis chez moi dans les montagnes de Washington, me demandant que faire tandis que le printemps approchait, ce même gars m’a appelé sans crier gare. Il s’agissait de Chris Patterson, directeur de Warren Miller Entertainment Movies, qui me demandait tout simplement si je voulais embarquer dans leur prochaine production, Line of Descent.

Layla Jean Kerley

Il ne me fallu pas longtemps pour dire oui.Et c’est ainsi que ma migration annuelle pour Chamonix fut remplacée par une autre quête de rêve à ski. Je partis donc pour Red Lodge dans le Montana afin de tourner le segment de Beartooth Pass pour le 68e opus de Warren Miller, Line of Descent, une décision qui changea ma propre histoire.

L’univers conspire.

Au-delà de tenir mon propre rôle devant la caméra, c’était comme si je faisais partie de l’équipe tellement tout paraissait aller de soi. Le soir du premier jour, nous étions non seulement devenus bons amis, mais nous avions l’impression de nous connaître depuis longtemps.

Du lever au coucher du soleil, la créativité était jetée sur le tapis par l’équipe. Nous étions comme une famille travaillant ensemble depuis des années.

Layla Jean Kerley

Telle était la volonté de l’univers, la joie et la créativité gardaient la main, jusqu’à ce petit coup de pouce venant de Black Crows. M. Patterson avait une affinité pour la marque aux chevrons et c’est pour cela qu’il m’avait contacté par l’intermédiaire de Marty Carrigan, représentant de Black Crows en Amérique du Nord. L’équipe Warren Miller voulait filmer quelque chose avec cette marque née à Chamonix. Poignées de main échangées et accord trouvé, voilà comment Bird et Black Crows ont mis le cap sur le grand écran.

Le tournage était programmé pour avril, soit l’heure de grande écoute pour le ski de printemps, période à laquelle j’entame ma migration annuelle car c’est l’heure du Festival Unlimited et surtout parce que la neige accroche mieux aux pentes raides.

Parfois, la réalité vaut mieux que ce que nous pouvons imaginer et je crois que cette petite histoire prend une belle part du gâteau. C’est vraiment intéressant de voir comment un chemin se trace et comment le voyage se déroule. Entre ma rencontre avec Camille en 2000 et les fêtes du bout de la nuit de 2004 avec Bruno dans le petit appartement qu’ils partageaient, c’est à cette période que Black Crows fut créé.

Camille m’avait demandé ce que je pensais du nom Black Crows. Ce nom découlait du chocard noir à bec jaune, l’âme de Cham. Si vous mourez ou disparaissez en montagne, vous devenez l’un d’entre eux, un oiseau s’envolant et surveillant la terre. À regarder ces oiseaux voler en cercle, me sentant connecté à eux et aux montagnes, alors si c’est cela que Black Crows allait représenter, j’étais pour.

Layla Jean Kerley

Maintenant, sur grand écran, nous allions pouvoir présenter ce sentiment d’appartenance au public de Warren Miller et à nos proches.

La rencontre d’un esprit créatif : Jeff Wright

J’ai rencontré Jeff à Genève alors que nous partions pour 13 jours de tournage à Chamonix. Nous allions non seulement mettre à l’épreuve nos connaissances de la montagne, mais comme tout travail de ce type, nous allions devoir consolider une amitié naissante si nous voulions arriver à quelque chose.

Layla Jean Kerley

Organiser un tournage à Chamonix n’est déjà pas évident, mais quand il s’agit de commencer par un décalage horaire du diable puis d’enchaîner par une semaine de fête avec les meilleurs DJ du monde au Festival Unlimited, c’est encore une autre paire de manches. Si cela semble merveilleux, ce n’est carrément pas évident. Pour corser le tout, nous devions tenter de filmer la fête tandis qu’en montagne, les conditions étaient parfaites avec un grand ciel bleu.

Tard dans la nuit et pilules bleues.

Bon, je ne suis pas le genre de gars à dire “non” pour quoi que ce soit. Jeff a eu ses images et a pris le chemin du lit, mais nous sommes restés tard pour profiter excessivement de la fête avant de nous lever à l’aube pour sauter dans nos chaussures de ski et prendre le chemin du téléphérique.

Layla Jean Kerley

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons gagné nos points de fête. Heureusement, nous avions François Régis Thévenet comme guide et nous n’avions pas à nous inquiéter de la direction à prendre. Ensuite, et comme toujours, une fois les skis aux pieds, tout allait mieux.

Jeff et moi étions prêts, Camille et Bruno étaient en tenue, alors on a pris du bon temps au cœur du massif, depuis les classiques du bassin d’Argentière jusqu’au col du Plan en face nord de l’aiguille du Midi.

Le tournage

Jour blanc, vent et températures réfrigérantes contribuèrent à compliquer la tâche de notre guide pour savoir où aller. Bruno étant Bruno, il prit les rênes et skia comme s’il s’agissait d’une deuxième nature, voilà ce que c’est de skier 25 ans dans le massif.

Layla Jean Kerley

Bien entendu, au moment de se concentrer sur le ski, la température chuta et la météo devint imprévisible. Avec du jour blanc et des conditions difficiles, travaillant jusqu’à la dernière minute, nous avons tout de même réussi à sortir du très beau ski. Jeff termina ma voix off dans le noir, fit ses sacs et s’envola le lendemain.

Je voulais qu’il reste et continue à filmer, craignant que nous n’ayons pas assez d’images. Pour un public qui ne connaissait rien à Chamonix, nous voulions transmettre la vraie histoire et choisir les mots qui pourraient la raconter.

Layla Jean Kerley

Le produit fini – Face of Winter.

J’ai réussi à m’en sortir en un seul morceau. C’est un truc à préciser quand vous passez plusieurs mois à Chamonix. Et au beau milieu de l’été, alors que j’étais chez moi, les premiers rushs arrivèrent sur mon courriel et je vais vous dire, Warren Miller Entertainment avait réussi à créer une œuvre qui m’allait droit au cœur, provoquant même quelques larmes. La sensation, les images, les mots qu’ils choisirent me laissèrent sans voix.

Ce film, Face of Winter, #69 est un hommage à Warren Miller décédé en 2018. Avoir eu le privilège de participer à l’hommage de celui qui a tellement apporté à nos vies et au ski, je me devais de participer à toutes les projections de la tournée !

Layla Jean Kerley

La tournée

Une tournée de Warren Miller est quelque chose de spécial. Quatre équipes parcourent le pays pour les projections. De 90 à 3 ans, toutes les générations se déplacent et j’ai croisé plusieurs générations d’une même famille avec des regards émerveillés par le dernier Warren Miller. Quand je vous dis que c’est quelque chose de spécial.

Je mentirais si je cachais que cette expérience a flatté mon ego. Mais le plus magique, c’était de rencontrer tous ces gamins aux yeux pétillants. Vous saviez lesquels avaient été touché par le film et allaient poursuivre leurs rêves sur des skis. Et nous pourrons aussi voler avec des skis ?!

Je participais à 25 projections, de Seattle au sud de la Californie, jusqu’à la côte est, là où vivent les skieurs fous. Il y eut plein de super moments au cours de cette tournée, mais l’un d’entres-eux brille particulièrement, le jour où nous sommes allés à Hermosa Beach, là où Warren Miller a grandit et apprit à surfer. Un petit musée a été construit sous le cinéma et on s’est retrouvé avec ses vieux amis et sa fille, Chris.
Avoir eu le privilège de représenter l’homme sur l’estrade restera un souvenir gravé à vie.

Notre épopée à Chamonix brillait intensément. Pas simplement parce que les images étaient belles, mais parce que nous racontions une histoire qui résonnait dans le cœur de l’audience, l’histoire de l’endroit où volent librement les chocards à bec jaune.

Hey Warren, vous seriez fier. Mais surtout, avoir eu le privilège de faire partie de votre héritage, je ne saurais vous remercier assez.

Merci Warren Miller, du plus profond de nos cœurs, vous avez changé nos vies pour le meilleur : skier, jusqu’à ce que la mort nous sépare.

Bird
Michael Shaffer

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