Un plan à quatre pour le week-end de Pâques…

Bruno Compagnet et Layla Jean Kerley sont partis en balade avec un couple d’amis sur les terres italiennes des Walser. L’occasion pour Bruno de chanter les louanges du ski de printemps et pour Layla d’immortaliser la magie des dernières courbes de la saison.

Layla Jean Kerley

Peu après avoir franchi le Simplon encore baigné de pleine lune, nous avons pénétré cette longue vallée reculée où chaque village possède sa carrière de granit et où l’architecture locale témoigne de l’abondance de cette ressource naturelle. À mesure que l’on prenait de l’altitude, j’ai compris que nous avions rejoint les terres des Walser, cette communauté alémanique qui, dans le haut Moyen Âge, a colonisé des terres situées au-dessus de 1 500 mètres. Contrairement à l’idée reçue, ce n’est pas la pression démographique qui a contraint les Walser à coloniser ces terres sauvages, mais la décision mûrement réfléchie de vivre dans un milieu hostile et sauvage. Ce choix de vie axé autour de la famille et des ressources naturelles permettait en outre l’allègement de certaines taxes et la possibilité d’exploiter les forêts.

Layla Jean Kerley

Loin des luttes religieuses et des réformes de l’époque.

La trace la plus visible de ce peuple paysan qui survit encore de nos jours – sans compter les voies de communication transalpines, les ponts et les innombrables murs de séparation des cultures qu’ils ont bâtie – c’est l’habitat. Section ronde pour l’étable, carré pour la maison, il se caractérise par un harmonieux mélange de pierre et de bois. La pierre pour les fondations, la toiture et les parties les plus exposées aux intempéries. Le bois, dont les Walser maîtrisent parfaitement la technique, pour l’isolation et le confort. Protégées par d’énormes blocs erratiques et parfois situé à quelques mètres de couloirs d’avalanches, ces bâtisses tirent profit de la moindre parcelle de terrain. Notre lieu de rendez-vous s’avère un beau voyage dans le temps.

Layla Jean Kerley

Profiter de la journée et du soleil qui commence à briller.

Je coupe le moteur et redécouvre avec plaisir le silence. Layla ouvre les yeux mais je sais qu’elle n’est pas encore là. Je sors me dégourdir les jambes sur le petit parking où les derniers randonneurs s’équipent derrière le coffre de leurs voitures. Skis légers et étroits, pantalons moulants Montura, buffs à la Jack Sparrow et lunettes de cyclistes dégueulasses. On est bien en Italie. Je traîne mes courbatures et mon mal de dos jusqu’au bar. Matt vient de m’envoyer un message. Ils seront là d’ici une petite demi-heure. Le temps de boire un café et d’être en décalage avec le gros des troupes alpines…

Layla Jean Kerley

En adéquation avec le support.

Je ne me lasse pas de faire l’éloge du ski de printemps. D’abord, il n’y a pas le stress de la première trace. La fenêtre horaire pour skier de la super crème est large et, en jouant avec les expositions, on peut prendre son temps. Le support doux et plus rapide que la poudreuse permet de s’amuser avec le relief et on peut repousser au maximum ses limites pour flirter avec la gravité. Ah le plaisir de conduire chaque courbe sur une neige parfaite dans un environnement sauvage et varié. Le partage avec les amis en toute tranquillité parce que la plupart des skieurs sont remontés sur leurs vélos et que les autres sont à la plage. C’est un autre univers qui attend les skieurs fous en quête de trajectoires parfaites et d’absolu. Mais avant ça, il y a cette méditation active. Ces traversées de déserts blancs qui paraissent sans fin à nos yeux emplis de sueur et brûlés par le soleil implacable. Ces moments où les autres deviennent de petits points accrochés à la pente, devant ou derrière selon l’énergie qu’il nous reste. Puis vient le moment où tu arrives au sommet d’une ligne et non pas forcément d’une montagne, quand les seuls impératifs sont la qualité de la neige et l’esthétisme de la descente. Mais avant de s’élancer, on s’arrête un moment. C’est là que je pose un regard rêveur sur les ombres des nuages qui courent sur un océan de neige. Cette idée de liberté, cette autonomie et surtout la tranquillité qui accompagne cette pratique me procurent un fort sentiment de bien être.

Layla Jean Kerley

Matt et Paola nous rejoignent sur le parking et c’est tout ce que je viens d’évoquer que l’on s’apprête à partager ensemble pour les trois prochains jours. Paola qui connaît bien le secteur nous guide vers un premier beau couloir. Le ton et le rythme sont donnés. On est là pour skier, mais on va prendre le temps car désormais les journées sont longues. On ne mangera pas des barres énergétiques et on ne boira pas d’Isostar. À chacun son truc. Faire du ski avec un œil sur le chrono et des chiffres dans la tête n’est pas pour nous. Voilà, on avait envie de ça et, comme tous les passionnés, si l’on résiste à nos envies, nos existences deviennent plus compliquées.

Chamonix fin avril
Bruno Compagnet

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