Il s’agit de se libérer, de se laisser aller aux effluves que dégagent les arbres dans la bruine matinale et dont le doux parfum vient s’immiscer dans nos tissus jusqu’à les envelopper presque totalement. Le corps est alors à la merci de la nature et de ses airs envoûtants. Au mouvement des nuages se mêlent ceux des corps portés par les mélodies humaines et instrumentalisées. Le rythme enrobe dès lors, comme par enchantement, l’architecture naturelle des cimes environnantes.
Un dialogue s’établit entre l’homme et la nature. De l’épicentre aux racines, l’énergie transperce le sol et remonte à travers la roche jusqu’à atteindre l’âme de chacun. Il y a d’abord les orteils, confortablement installés dans une paire de chaussure ou dégainés à l’air libre pour les plus véritables, puis l’ossature de la cheville qui frétille à chaque beat et fait remonter le rythme dans les rotules. Si la connexion est totale, la rotule entraîne le bassin dans un mouvement effréné du pelvis à la Elvis. Pour les plus fougueux, le haut du corps s’enflamme dans un mouvement d’euphorie généralisée.
Dans cette semaine d’interaction entre urbanité et verticalité, tous se laissent aller au gré des différents concerts judicieusement installés aux quatre coins de la vallée. Les corps humains se retrouvent encerclés par les imposantes cimes Chamoniardes et se laissent happer par les voix de stentor des chanteuses dont l’intensité du coffre envahit pleinement chacun des membres.
La Chica fait frémir de sa sublime voix franco vénézuélienne la petite assemblée réunit en silence dans l’église sous la pluie torrentielle de Vallorcine. Pluie qui fut rapidement dissipée le jour suivant face au rythme endiablé du groupe Arat Kilo. Une Mamani Keita à la bonne humeur hautement contagieuse et dont le groove naturel réussit à parcourir la foule d’Émosson.
Rebasculons du côté français et délaissons la Suisse un instant afin de retrouver China Moses accompagnée d’une soixantaine de choristes au sommet du Brévent. Comme souvent à Chamonix, le déferlement cosmique n’est pas un frein à l’engouement des gens qui, venus de multiples horizons, ne se laisseront par dissuader par la météo. Sous les rafales des hautes altitudes et les gouttelettes de pluie, le gang des K-way se resserre dans un élan de solidarité et de convivialité.
De retour dans la vallée, les intempéries éloignées, 10LEC6 reprennent le contrôle des âmes humaines et font surgir la part de bestialité qui sommeille en chacun de nous. Sur des rythmes endiablés aux sonorités ethniques, les corps sont en lien direct avec le cosmos.
Le reste de la semaine se déploie sous un soleil torride et narcotique. La fraicheur du soir du Parc Couttet ravive les foules et soude une fois de plus les générations entre elles sur des sons mélant voix, hang, piano, duduk, violoncelle ou encore contrebasse dans une véritable tornade musicale.
Le Cosmo, lieu de la rencontre entre le ciel et la terre, entre la nature humaine et la nature verticale, entre l’univers musical naturel et celui des hommes. Et comme pour parfaire cette semaine de célébration terrestre et cosmique, l’éclipse de lune vint tinter de façon magistrale la petite scène Chamoniarde.