Rencontre avec Sabrina Montiel-Soto, artiste hors-piste.

Quelques questions à Sabrina Montiel-Soto concernant sa perception de la neige, du ski et de toutes ces improbables évidences…

Black Crows: Toi qui est d’origine Vénézuélienne, à priori loin des sports d’hiver, qu’est-ce que t’inspire le mot ski ?

Sabrina: C’est d’abord un chiffre : 2, deux pieds. La première vision, c’est cette dualité. Je vois deux skis dans mon champ de vision. Ensuite, c’est la gravitation, la notion de vitesse, d’équilibre, de fluidité, de chorégraphie. Et, enfin, il y a aussi l’adrénaline.

Black Crows: Quels sont tes premiers souvenirs de ski ?

Sabrina: J’ai fait du ski sur l’eau quand j’étais adolescente. Mais ce ski aquatique, c’est différent car tu es tractée et tu dépends de la machine. À l’époque, dans les années 70-80, en Amérique du Sud, il y avait une grande ouverture sur l’information, des reportages du monde entier, des BD du Japon… J’ai sans doute vu mes premières images de ski pendant les olympiades.

Black Crows: Qu’est-ce qui te vient à l’esprit à l’évocation du mot “ski” ?

Sabrina: La montagne. Et la première image, c’est quelqu’un qui descend à ski. La deuxième image, c’est un skieur qui saute très haut et qui fait des acrobaties. Dans la douceur, je l’associe aussi avec le patinage artistique sur glace. Il y a aussi l’après-ski, le feu de cheminée dans un chalet, le jacuzzi, la fête… Dans tous les entretiens que j’ai pu lire de skieurs, ils parlent de l’après-ski, d’être au chaud, de se détendre (elle montre un article de Paris Match datant du 1963, la grande époque, où l’on voit Jean-Claude Killy en gentleman sportif et séducteur).

Black Crows: Tu te souviens de la première fois où tu as vue la neige ?

Sabrina: Oui, c’était en 1998, lors de mon arrivée en France. J’étais invitée par le festival de court-métrages de Clermont-Ferrand et il s’est mis à neiger pendant toute la durée du train depuis Paris. Et quand on est arrivé, je me souviens de ce silence, tout été était en suspension comme si le temps s’était arrêté. Tout devient plus long, au ralenti. L’espace est lui aussi modifié, avec la neige tout devient blanc… On s’approche de quelque chose de vrai. Je dis ça alors que je viens de Macaraibo, 35 degrés de moyenne.

Black Crows: Tu aurais envie de découvrir ?

Sabrina: Oui.

Black Crows: Tu aurais peur ?

Sabrina: Pas vraiment. J’aime bien l’adrénaline. Mais j’aurais du respect à essayer ce sport. C’est aussi le respect de la nature, de la montagne, comme je l’ai pour l’océan. Quant au geste, c’est plus personnel. Je pense que les skieurs, c’est une question d’attitude. le courage ne se pose pas, il vient naturellement. Un skieur c’est quelqu’un qui est pleinement dans l’instant. Il est dans la zone. Pour bien faire du ski, je crois, tu dois être dans la zone. Il faut être en connexion avec tous les éléments pour que ça se passe bien. Il faut accepter le froid et une série de choses qui permettent d’atteindre le plaisir.

Et puis, cela m’amène à la notion de solitude. Le skieur est un explorateur solitaire qui part à l’aventure et s’éloigne du monde. Il est seul, à la fois dans le centre de quelque chose et nul part. Il n’a pas d’horizon, il est comme dans un labyrinthe blanc. Dans le film Shining de Kubrick, avec cet hôtel isolé dans la neige. Il y a ce labyrinthe et on est plongé dans un aspect terrifiant de la neige car on perd ses repères. Et le ski rappelle cela, c’est pour des gens qui ont un esprit libre et ouvert. À ma manière, je suis une exploratrice. Chaque matin quand je pars, j’essaye de me mettre dans la peau d’une exploratrice. La vie est un laboratoire de circonstances et chaque jour j’essaye de pénétrer la zone.

Black Crows: Qu’est-ce qui t’a guidé pour réaliser cette série de photographie ?

Sabrina: l’absence de neige

Le site de Sabrina Montiel-Soto

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