Kristofer : C’était assez intense. Tu deviens forcément un peu nerveux dans une compétition où tu veux bien faire. Tu as une double pression, de toi-même et aussi de l’extérieur. C’est la finale du FWT, et c’est le plus grand événement dans le freeride de compétition, donc je pense que je me mets beaucoup de pression, je veux faire quelque chose dont je sois content.
Je pense que tous les compétiteurs se disent « mais pourquoi je m’inflige ça ? » C’est une expérience vraiment intense ! On est stressés par le choix des lignes et le timing, parce qu’on a droit seulement à une inspection visuelle, interdit d’y aller skier et de sentir la neige ou de checker les drops et les lignes sur le terrain avant la compétition. On ne peut donc que regarder avec des jumelles depuis l’autre côté de la montagne. Bien sûr on veut que tout soit parfait, mais il y a beaucoup d’incertitude et toutes ces pensées viennent te hanter la veille. Alors on essaie de se faire une idée et on espére avoir tout bon.
Ça a très bien commencé parce qu’on a eu de la poudreuse une semaine avant, possiblement la plus grosse chute de neige de la saison, quasi 1m50. Quand le soleil est revenu et qu’on a vu le Bec des Rosses, qui est la montagne que nous skions en finale, c’était incroyable, comme une face en Alaska : tout était blanc et le relief semblait comme adouci. Mais je savais aussi qu’en dessous, il y a beaucoup de rochers qui se cachent. Et puis après le week-end, tout a changé parce qu’il y a eu une nouvelle tempête avec beaucoup de vent qui a bien dénudé la face.
C’est celle que j’imaginais la nuit précédente quand j’étais le plus nerveux, j’avais en tête une barre encore plus grande au sommet, mais j’ai décidé que ce n’était probablement pas une bonne idée parce qu’elle était au-dessus de beaucoup d’exposition. J’ai donc pris un départ différent et j’ai skié vers la plus grande barre du milieu, que j’ai réussi à sauter comme prévu, et à faire un backflip avant de revenir jusqu’à la zone d’arrivée. Cette sensation, d’arriver sous la porte d’arrivée, c’est ce que j’essaie d’imaginer quand je suis le plus nerveux et que je pense à la course. C’est un sentiment de soulagement : lorsque tu es capable de repenser à la course et de la faire exactement comme tu avais prévu, c’est vraiment, vraiment très agréable.
Exactement ! Comme tu l’as vu, Reine avait un très bon run, peut-être même un run gagnant, et il a fait une petite erreur qui lui a coûté tous ses points à la fin. C’est un jeu risqué, mais bien sûr il faut prendre des risques et faire de grandes choses pour obtenir un bon score et aussi être content de soi.
Je n’atterris pas toujours proprement, mais j’essaie de faire de mon mieux ! En fait le jeu c’est de mettre la barre aussi haut que possible et puis la descendre juste un peu pour être sûr, surtout si vous tu fais ce genre de choses dans les endroits exposés ou la chute est quasi interdite…
C’est un peu mon style de ski, je veux paraître facile et je veux skier avec beaucoup de liberté. Mais je pense aussi que ça aide que je fasse toujours très consciencieusement mes devoirs. À chaque virage de cette compétition, je sais où je suis et où je vais, c’est beaucoup plus facile de skier avec une bonne fluidité quand j’ai fait tout le travail avant.
Tu dois être capable de la tourner dans ta tête et d’imaginer à quoi ressemblera ton run en descendant, parce que souvent c’est complètement aveugle depuis la porte de départ. Parfois tu ne vois que de la neige, mais tu sais qu’il y a peut-être une falaise de 20 mètres en dessous de toi ! Il faut se trouver des points de repère, ça peut être un petit arbre ou un rocher avec une forme originale, des choses que tu seras capable de reconnaitre dans ton run et qui vont te permettre de naviguer.
C’était un peu spécial, j’ai eu la chance d’être en Suède, donc j’ai eu une super pré-saison jusqu’à début février. Nos restrictions n’étaient pas si dures au début. Toutes les stations de ski étaient ouvertes et j’ai pu skier presque tous les jours. Au début de la saison, j’ai besoin de beaucoup de jours sur les skis juste pour retrouver ma confiance et mes repères.
Je pense que ma motivation n’est pas vraiment d’être le meilleur. Bien sûr je suis en compétition mais je pense que ma principale motivation pour continuer à skier autant que je le fais est la partie freeride. Il faut être très polyvalent, il n’y a pas que la compétition, mais la compétition en fait partie, il y a aussi le freestyle, le ski dans la poudreuse, le ski avec les amis et, en plus de tout cela, il y a l’expérience d’être dans la nature. C’est le plus important et chaque jour est un nouveau jour, alors on ne s’en lasse jamais !
Je skie 90% de l’hiver sur le anima. C’est une bonne largeur pour moi, 115 sous le pied, ça donne un ski assez large pour skier dans la neige profonde et surtout pour les grosses barres. J’ai besoin de ce genre de ski, assez rigide sous le pied, ça donne une bonne stabilité à haute vitesse. Et il est quand même un peu plus souple à l’avant et à l’arrière, ce qui aide à jouer à basse vitesse. J’aime cette combinaison qui en fait vraiment un ski pour tout faire.
Je dirais que le nouveau shape est un peu plus raide dans les spatules et les talons, donc il a une sensation plus rigide dans l’ensemble, ce qui le rend plus stable d’une certaine manière, mais il a aussi une ligne de cote un peu plus courte. Donc il est toujours capable de tourner très vite quand il le faut !
En Suède, la plupart du temps, on ride plutôt des neiges assez fermes, et pas autant de poudreuse que nous le souhaiterions. Donc j’aime beaucoup le atris et je le recommande à mes amis suédois, et à ceux qui veulent un ski plus petit qui est toujours une très bonne machine en cas de poudreuse.
Je préfère le anima 189, qui est la longueur parfaite pour moi. Cela peut sembler assez petit, mais je ne fais que 175 et 69 kilos, haha !
Je prends des Tyrolia Attack, réglées autour de DIN 12, peut-être parfois un peu moins, même 11. Et lors des compétitions ou en fonction du ski, je monte jusqu’à 13 mais pas plus que ça. La règle de la communauté du ski suédois depuis des années est que tu dois visser tes fixations à fond, aussi fort que possible.
Personne ne connaissait la face ici, c’était le premier événement FWT qui avait lieu en Espagne, donc l’inspection était plus difficile, et cela rend la chose encore plus excitante. Habituellement, nous connaissons mieux la face, on a les vidéos des runs précédents, on peut évaluer la taille des barres. Ici, tout devait se faire de loin, j’ai donc pris la journée pour aller voir la face sous différents angles, en discutant avec les autres concurrents. C’est beaucoup de travail, mais c’est aussi une grande partie de ce genre de compétitions. Tu peux être un skieur super fort, si tu ne sais pas comment trouver ton chemin sur la montagne, cela ne sert à rien.
La neige était bonne, il y a eu un peu de temps chaud et puis ça a gelé, et puis quelques centimètres de neige fraîche. Mais c’est du freeride de compétition, on n’a pas 1m de poudreuse tous les jours. Ce qui est inhabituel, c’est que la compétition se déroule en fin de journée, à partir de l’après-midi.
Le site était très cool, la foule était très proche du spot et on l’entendait bien, mais il y avait des choix limités sur cette face. La section principale était petite et courte, avec peu de neige et beaucoup de requins. J’ai choisi d’aller sur la droite et j’ai fait mon truc.
Oui j’ai un double mais je n’en ai pas fait cette année. C’est vrai que Max Palm a fait un joli trick pour monter sur le podium, et ensuite il y a eu une combinaison de 360 dans les deux sens pour la deuxième place. J’aimerais être aussi polyvalent que possible, mais je me sens plus en confiance quand c’est raide et qu’il y a plus de place.
Je vise toujours haut et je veux la première place, mais d’abord je veux me qualifier pour Fieberbrunn et Verbier. Avec le nouveau système, je sais qu’en sortant 7ème, je ne pourrai pas gagner, mais je devrais me qualifier pour les finales. Ceci étant dit, je vais chercher un podium en Andorre !
interview menée par Mathieu Ros