Véritable championnat du monde, le FWT rassemble 30 skieurs et skieuses sur 5 étapes pour couronner chaque année à Verbier, sur le Bec des Rosses, le meilleur du freeride mondial. Pour y accéder, Addison Rafford a fini première du circuit US du FWQ, et Megane Bétend prend la 2ème place sur les qualifiers européens. On leur a posé quelques questions sur leur saison, leur matériel, et leur futur.
Blackcrows : Quelle sont vos histoires de skieuses à toutes les deux, de votre toute première fois à cette saison victorieuse?
Morgane Bétend : Mes parents étant montagnards, j’ai donc tout naturellement commencé à skier à 2 ans et j’ai vite fait du ski club en compétition dans mon petit village haut savoyard d’origine, le Mont Saxonnex. Je suis ensuite allée au lycée à Chamonix, et je n’ai plus quitté ce paradis depuis. C’est là que j’ai commencé à faire beaucoup de freeride, du ski en montagne et j’ai tout de suite adoré ça.
À la fin de l’hiver 2015, mes collègues moniteurs m’ont proposé de les suivre sur une 2* aux Arcs. Jamais je n’avais autant stressé à un départ mais je termine sur le podium de ma première course. Après avoir fini mes études, j’ai voulu me donner la chance de courir sur le FWT. J’ai alors mis beaucoup de choses en place : un entraînement physique plus rigoureux, un coach sur les skis, et je me suis dégagé du temps libre.
« Cet hiver concrétise tout ce que j’ai mis en place et les sacrifices que j’ai fait pour en arriver là. »
« J’ai pris une année sabbatique et j’ai skié pour moi : pour l’une des premières fois de ma vie, mon ski n’était pas noté par des juges, c’était cool. »
Addison Rafford : Je suis née et j’ai grandi dans les montagnes. J’ai commencé les pieds fourrés dans les plus petites chaussures que mon père avait pu trouver, et un paquet d’autocollants pour pimper mon casque. J’étais parée pour attaquer les pentes glacées de la Nouvelle-Angleterre. Bien que j’aie du sang de la côte Est, mes véritables racines viennent de l’Idaho.
La station de Bald Mountain commençait au bout de mon jardin et mon terrain de jeu c’était la chaine des Sawtooths : le ski est rapidement devenu un style de vie pour moi. J’ai d’abord été attirée par le ski de bosses, non pas parce que je voulais me casser prématurément les deux genoux, mais avant tout parce que c’était le programme le plus flexible.7 ans plus tard, quelque chose qui semblait encore plus indiscipliné mais authentique est apparu sur mon radar : le ski freeride. J’ai jeté mes Fischer et j’ai dégotté une paire de camox birdie.
J’avais 17 ans lorsque je me suis inscrite à ma première compétition freeride. J’ai tout de suite accroché avec la culture et les gens qui vivent ce sport. J’ai bien réussi ma première saison et l’année suivante je suis allé à l’université à Bozeman, dans le Montana, où j’ai tenté ma chance sur le circuit FWQ. J’étais un peu trop à fond et je n’ai pas réussi à faire une descente complète de toute la saison, puis le COVID est arrivé. J’ai pris une année sabbatique et j’ai skié pour moi : pour l’une des premières fois de ma vie, mon ski n’était pas noté par des juges, c’était cool.
Blackcrows : À quoi ressemble votre entrainement ?
Morgane Bétend : Je fais toujours du sport mais à partir de la fin d’été et tout l’automne je suis un programme plus spécifique avec l’aide de mon préparateur physique. Il y a pas mal d’entrainement à la salle de sport suivis de récupération en extérieur sur mon vélo ou sur les chemins de trail mais aussi toutes les autres activités que j’aime : randonnée/vol en parapente, yoga, escalade, alpinisme, VTT.
Depuis 4 hivers je m’entraine en ski avec Greg Liscot, head coach du Young Rider Crew à Chamonix. Greg est un ancien skieur professionnel, il a beaucoup d’expérience dans le milieu et s’investit énormément pour ses athlètes. Il m’a aidée à reprendre confiance en moi et je suis en constante progression ce qui me motive encore plus à travailler ! Nos entraînements se structurent en fonction des conditions et des besoins. Nous pouvons autant faire de la technique en ski et en saut que du travail de trajectoire et de ligne.
Addison Rafford : Je m’entraîne principalement à l’EPIC, un centre de fitness situé à Bozeman, dans le Montana, avec certains des meilleurs entraîneurs du secteur. Paul Herberger, le propriétaire, est un vrai dur à cuire, il m’entraine à développer ma force et mon agilité, tout en se concentrant largement sur la prévention des blessures.
« Je me fais botter les fesses à peu près tous les jours, mais ce centre a joué un rôle important dans ma confiance et mes capacités sur les skis. »
En outre, une grande partie de mon « entraînement » provient d’un certain nombre d’autres activités. Au printemps dernier, j’ai passé trois mois aux Fidji à travailler sur un plateau de tournage, en trimballant du matos qui pesait plus que mon poids, le tout sous les tropiques. Lorsque je ne travaille pas en freelance, je passe mon temps à sauter d’une mini rampe à une autre et à essayer de suivre mon père dans les rochers d’un sommet de 4000m.
Quand je choisis de passer du temps dans l’eau, je me fais tellement malmener par toutes les vagues qui se présentent que je considère ça comme un excellent entrainement. Pour finir, je joue aussi souvent au mini-golf, et je peux garantir que si je mets la main sur une boule de bowling, il y aura de la casse.
Blackcrows : quel est le matériel le plus important pour toi, notamment tes skis pour ces compétitons ?
Morgane Bétend : Jusqu’à deux hiver en arrière je n’utilisais que les atris birdie en 178 cm. C’est un ski polyvalent qui s’adapte dans toutes les neiges. Cet hiver j’ai pris les anima birdie en 182 cm. Bien qu’ils soient plus physiques car plus larges et plus grands, ils sont plus stables et je me sens solide dessus, surtout pour replaquer des barres. Je n’ai utilisé que ces skis durant les phases finales du FWQ, malgré des conditions de neige très différentes d’une compétition à l’autre. Autre élément indispensable : mes chaussettes chauffantes (de marque Lenz si tu veux tout savoir). Je suis une vraie frileuse des extrémités, et il n’y rien de plus désagréable que de skier en ayant froid.
Addison Rafford : Je ride mes camox presque tous les jours, ce sont mes skis all-mountain par excellence. Je les trouve un peu plus ludiques que les atris, un autre modèle que je pratique assez souvent. Si je vais skier dans une quantité importante de neige fraîche, j’opte généralement pour les atris plutôt que les camox. Ils sont un peu plus raides et plus larges, ce qui offre un peu plus de stabilité lors d’une grosse réception dans la neige profonde. Je suis impatiente d’ajouter les nouveaux anima à mon quiver pour la saison à venir.
« J’ai besoin d’écouter le bruit de mes skis sur la neige, le vent qui siffle dans mon casque. J’associe le son à mes sensations »
Blackcrows : Tu rides avec de la musique en compétition ou en civil ? Comment tu te concentres, tu penses à quoi?
Morgane Bétend : Je ne ride jamais avec de la musique. J’ai essayé mais déjà je trouve ça contraignant au niveau logistique et j’aime pouvoir entendre les éléments autour de moi quand je skie. J’ai besoin d’écouter le bruit de mes skis sur la neige, le vent qui siffle dans mon casque. J’associe le son à mes sensations. À peu de temps du départ je pense à plein de choses, à ma ligne, est ce que je vais y arriver ? Est ce que c’est le bon choix ? Je pense aussi à ce que vont faire les autres mais je me recentre vite. Bien que nous soyons en concurrence, je cherche toujours à être fière de moi et faire le meilleur run possible. Au départ je m’isole, je m’échauffe et je ferme les yeux en visualisant ma ligne comme quand je vais la skier.
Addison Rafford : Je ne passe jamais une journée sans musique. La musique est responsable de la façon dont je skie et de ce que je ressens sur la neige, elle me donne mon style, ma confiance, mon énergie, mon flux, tout. Le jour de la compétition, pour préparer ma course, je me fie entièrement à la musique. En dehors de mes skis, les écouteurs sont sans doute la pièce la plus importante de mon équipement, voire la plus précieuse. J’en ai besoin pour donner le meilleur de moi-même. J’écoute une très grande variété de musique, mais quand je suis dans le portillon de départ, il y a de fortes chances que ce soit du 50 Cent ou du Kodak.
Blackcrows : Quels ont été tes temps forts sur les évents de cette année ?
Morgane Bétend : L’an dernier nous n’avons eu que 3 compétitions, en suisse (merci covid), qui ont toutes compté pour le classement général. Nous n’avions pas le droit à l’erreur. Cette année le système a changé, l’hiver s’est déroulé en plusieurs étapes. La première c’était de faire partie de la finale avec les 9 premières filles qualifiées sur leurs 3 meilleurs résultats. Une fois en phases finales, les compteurs étaient remis à zéro : les 2 premières filles des play off seraient qualifiées sur le FWT. La première étape de finale se déroulait à Nendaz, j’avais à coeur de reproduire la même performance que l’année dernière avec ma 1ère victoire sur cette face. Je ne fais pas du tout la même ligne car les conditions étaient complètement différentes et je pouvais sauter plus gros et aller dans le central qui est plus raide. Cela reste la face et mon run favoris de cette saison. Après ça il y a eu Jasna ou j’ai loupé la première place qualificative de peu, et du coup suspense jusqu’au bout…
Addison Rafford : Je n’ai pas l’habitude de trop réfléchir à ce que j’ai pu faire lors des compétitions. Une fois que j’ai passé la porte d’arrivée, je n’y pense quasiment plus. Mais quand je regarde en arrière, j’ai de quoi être fière de cette saison. Crash ou pas, je ne changerais pas une seule des lignes dans lesquelles j’ai choisi de m’engager.
« Je n’ai jamais skié en dehors de l’Amérique du Nord. »
Blackcrows : L’an prochain : tes attentes, tes espoirs, tes envies…
Morgane Bétend : Je sais que le plus dur est à venir, j’étais déjà motivée mais alors là je le suis encore plus ! Il est presque temps de rêver à un titre de championne du monde. Dans un premier temps j’aimerais rester sur le FWT, il faut être dans les 6 premières skieuses après seulement 3 compétitions pour espérer courir la finale et se qualifier pour la saison suivante. J’ai aussi très envie de skier en compétition le fameux Bec des Rosses à Verbier. Pour moi c’est la plus belle face de freeride au monde.
Addison Rafford : Je n’ai jamais skié en dehors de l’Amérique du Nord. Je suis très excitée à l’idée de voir un autre côté du monde et de faire ce que j’aime le plus, entourée des meilleures au monde. J’espère que je pourrai garder l’état d’esprit que j’avais cette saison, mais tant qu’il y aura des filles qui aiment dire des conneries dans le portillon de départ, ça devrait aller. Je suis plus préoccupée par l’apprentissage de la façon de regarder correctement à travers une paire de jumelles que par l’inspection visuelle elle-même. Ça devrait être un bon moment ! J’ai hâte d’être sur la neige et de me frotter à tous les euro-crows.