Stockholm Tinder stories #2 – apéro Meuf

Deuxième épisode des «Stockholm Tinder Stories» par Félix Douglas Olsson, qui nous narre les aventures de son alter ego, monsieur Mec. Si vous avez raté le premier chapitre, c’est ici.

Skieur impénitent, souvent solitaire, suédois polyglotte, monsieur Mec ne recherche pas l’amour, mais la douceur le trouve plus souvent qu’à son tour. En ski comme sur Tinder, monsieur Mec est un esthète rare et chanceux.

La journée se terminait parfaitement. Ils avaient profité depuis le matin de conditions parfaites pour ce baroud d’honneur de fin de saison à Riksgränsen, une station qui n’est pas connue pour sa météo particulièrement clémente. Si loin au nord, on ne sait jamais à quoi s’attendre, et quand on regarde la chaîne de montagnes depuis le sommet de Nordalsfjället, on est frappé par une vérité évidente : cet endroit est sauvage, indompté, et on y est vraiment à la merci des lois de la nature.

Heureusement pour le héros de cette histoire, le temps, pendant ces derniers jours de mai, avait été parfait. Du soleil, mais pas trop chaud. De la neige de printemps, mais pas trop lourde. Les amateurs de ski du monde entier se réunissent ici pendant quelques précieuses journées de fin de saison chaque printemps, pour profiter de la neige et participer ou observer la compétition de freeride qui se tient là de façon rituelle.

Cette journée avait été particulièrement agréable. Des oeufs au petit-déjeuner, du ski sauvage en meute au déjeuner et maintenant, un soleil qui se couchait lentement sur le meilleur bar de la station. Pour Monsieur Mec, le personnage central de cette histoire, la suite à donner était simple. C’était l’heure de la bière, et il voulait la déguster au soleil, sur cette terrasse.

« Allons peut-être ailleurs pour l’après-ski aujourd’hui » a soudainement suggéré un de ses amis.

« Tu as raison, laissons tomber le bar. J’ai entendu dire qu’il y avait une fête sur le parking des caravanes, on devrait y aller, » a répondu quelqu’un d’autre.

Monsieur Mec resta stupéfait. Ses amis avaient ils complètement perdu la raison ? Il était tellement déterminé à savourer au moins les deux premières bières de la journée sur cette terrasse ensoleillée qu’il ne pouvait même pas envisager de les boire ailleurs.

« Les gars, » intervint-il, « il faut absolument qu’on prenne une table sur cette terrasse. Je veux dire, regardez le décor. Le soleil. La vue. C’est parfait ! »

Ses amis étaient sourds à ses paroles. Il aurait dû savoir que c’était une cause perdue, ils ne se laisseraient pas convaincre à ce stade, certains d’entre eux changeaient déjà leurs chaussures de ski pour des baskets et commençaient leur descente vers le parking des caravanes.

« Imbéciles », pensa-t-il ! Eh bien, qu’il en soit ainsi.

« Bon, les gars, je m’en fous, même si je dois y aller seul, moi je prends une bière sur cette terrasse ! »

Monsieur Mec était sûr que le groupe le suivrait s’il montrait une telle détermination, mais non, les autres ont simplement ricané et dit « ok, mec. Amuse-toi bien. »

Et c’est ainsi que vers 16 heures, Monsieur Mec a commandé une bière et s’est rendu sur la terrasse. C’était encore la période des restrictions du COVID, et la consommation de nourriture et de boissons n’était autorisée qu’en s’asseyant à une table.

La terrasse était bondée, à l’exception d’une grande table à une extrémité.

Monsieur Mec s’assit, il s’apprêtait à déguster sa première gorgée de bière lorsqu’il entendit une voix féminine dans son dos.

“Hum, excusez-moi. Est-ce que tous ces sièges sont pris ?”

Il se retourne. Derrière lui, deux filles se tiennent maladroitement avec leurs bières à la main, pointant du doigt sa table. Il reconnait l’une d’entre elles grâce à la conversation sur Tinder qu’il a eu la veille.

Mademoiselle Meuf était son nom, s’il ne se trompait pas.

« C’est libre, asseyez-vous je vous en prie », a-t-il répondu.

« Comment se fait-il que vous soyez tout seul ? » a demandé Mademoiselle Meuf, et il pouvait dire qu’elle le reconnaissait grâce aux photos de son profil.

« Hum… Mes amis sont tous des imbéciles qui ont préféré profiter de ces précieux moments d’après ski à l’ombre dans le camping plutôt qu’ici, alors je les ai largués », fut sa réponse.

« Alors c’est le destin qui nous a réunis », sourit Mademoiselle Meuf et elle poursuit : « D’abord notre conversation sur Tinder hier soir, et maintenant cette rencontre fortuite ! Puis-je vous proposer une autre bière, Monsieur Mec ? »

Le soleil se couchait et les dieux étaient avec lui. Bientôt, ils étaient tous les trois en pleine conversation sur les meilleures runs de la vallée, sur l’étrange ambiance que dégageait cet endroit, à la fois si éloigné géographiquement, et en même temps si familier émotionnellement. En regardant autour d’eux les autres personnes dans le bar, ils auraient pu être dans n’importe quelle station de ski du monde. Mais en se tournant vers les montagnes et le lac, on réalisait qu’on était en fait dans la station de ski du bout du monde.

Les heures passaient, et la terrasse se vidait rapidement. Un étrange timing existait à cette époque : par décret gouvernemental, tous les restaurants et bars du pays devaient fermer leurs portes à 20 heures. Alors que Monsieur Mec commençait à penser que les filles étaient sur le point de s’en aller, l’impossible se produisit.

« Mince, j’aimerais qu’on puisse commander plus de bière, mais je suppose que le serveur a déjà commencé à fermer le bar… » dit Mademoiselle Meuf.

« On n’avait pas des bières dans notre chambre? » demanda son amie.

Ah, la chambre d’hôtel. Ce bar où ils étaient assis faisait en fait partie d’un lieu beaucoup plus grand, un ensemble hôtel/magasin de location de skis/bar/restaurant. Apparemment, les filles logeaient à l’hôtel, ce qui signifiait qu’elles n’étaient actuellement qu’à quelques pas de leur chambre.

« On en a, mais je ne pense pas qu’ils nous laisseront les boire ici… » soupira Mademoiselle Meuf.

« Pourquoi n’allez-vous pas les chercher tous les deux, » proposa son amie, « pendant que je vous attends ici ? Mieux encore, poursuivit-elle, vous devriez les boire seuls dans notre chambre pendant que je fume une cigarette ici et que je profite des derniers instants du coucher de soleil. »

Monsieur Mec et Mademoiselle Meuf regardent l’amie avec incrédulité, puis se jettent un regard timide. Dans l’histoire de l’amitié entre humains, ce qui venait de se passer serait sûrement écrit en lettres d’or tout en haut de l’échelle.

Le bruit de leurs chaussures de ski lorsqu’ils descendirent dans le hall était presque aggravé par leurs tentatives désespérées pour l’amortir. Heureusement, comme prévu, la chambre n’était pas loin.

« Home sweet home, » dit-elle en glissant la carte-clé dans la serrure.

La pièce était petite. Elle rappelait à Monsieur Mec les plus petits studios de 18 mètres carrés de Chamonix Sud, où chaque hiver quatre ou cinq skieurs s’entassaient pour la saison, pour quelques centaines d’euros chacun.

« C’est parfait, » a-t-il dit. « Où sont les bières ? »

« Oh, on n’a pas de bières, » a-t-elle répondu. « Ce soir, l’apéritif c’est moi. »

Quelques heures plus tard, elle l’a gentiment mis à la porte. L’hôtel était vide, le bar éteint. Dehors, il a trouvé ses skis là où il les avait laissés. Dans la station de ski du bout du monde, il n’y avait pas de transports publics à cette heure tardive. Sa chambre et son lit étaient de l’autre côté de la montagne. Heureusement pour Monsieur Mec, il avait été élevé sur la route des Pecles, 74400. Il n’était pas étranger aux marches nocturnes à travers les montagnes.

Il repeauta ses skis et se mit à marcher.

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