Sous le soleil polaire

Cette troisième édition de La Sentinelle a migré vers les terres du nord, au carrefour des trois pays les plus septentrionaux de l’Europe. Au cœur des terres natales de Minna Riihimaki, cocréatrice de cet événement dédié au ski de randonnée libertaire, amitié, effort, glisse et bienveillance furent une fois encore les maîtres-mots de ce troisième opus.

Les mains plaquées sur le visage, je suffoque, submergé par un nuage de vapeur brûlante. Hilare, Elmo a versé de généreuses louches sur la roche volcanique. Les Finlandais le remercient quand la plupart des Français s’enfuient en criant pour se jeter dans le trou percé à la surface du lac gelé.

Pascal Tournaire

Un vrai sauna est une association étrange… Agréable et désagréable à la fois. Mais, au final, une fois surpassé les chocs thermiques, on se sent tous incroyablement bien quand vient l’heure de la bière partagée en discutant sur la terrasse. Il est 22 heures et le soleil n’est pas couché. Bienvenue à Kilpisjarvik pour l’édition Scandinave de la Sentinelle.

Pascal Tournaire

Minna a trouvé un lieu inédit pour ce troisième acte. Je n’avais jamais entendu parler de ce petit village isolé situé non loin du point de jonction de la Finlande, de la Suède et de la Norvège. Si cette trilogie des confins fut l’intention première, la météo et les conditions de neige nous obligèrent à modifier le parcours et, comme toujours en montagne, à nous adapter.

Pascal Tournaire

Quartier

Lisbeth est la première arrivée. Elle est venue en stop depuis Tromsø avec sa housse à skis et son sac à dos… Pas surprenant pour cette jeune femme qui est venue de Belgique à bicyclette. Puis Minna a suivi avec l’équipe des guides, Pascal Tournaire en charge de la photographie et Mateffy, cameraman, pilote de drone, monteur… Ce Hongrois survolté est le précieux couteau Suisse de nos vidéos. Et puis voilà le noyau dur des skieurs qui sont proches de l’événement depuis le début : Olive, Nest, Pat, Éric… Quel plaisir de retrouver tout ce beau monde.

Pascal Tournaire

Le jour d’avant

Le soleil brille et, après un très bon petit-déjeuner, nous partons tout naturellement skier et prendre la mesure de notre environnement sauvage et de l’immensité qui nous entoure. Un paysage façonné par la glace avec des montagnes amusantes à skier. Puis, quand en début d’après midi, nous arrivons au sommet de Saana, la montagne qui domine le village, c’est pour découvrir abasourdi la chaîne montagneuse de Tamok, 30 kilomètres plus à l’ouest…

Pascal Tournaire

Un air de famille.

Ce soir-là, après que les derniers participants nous eurent rejoints, ce fut l’heure des présentations et d’un avant-propos de l’évènement dans une salle de l’hôtel. Nous avions la chance d’avoir des représentants de nos différents partenaires dont des guides, des skieurs et des spécialistes en recherche et secours de chez Recco.

Pascal Tournaire

Après s’être présenté, Elmo, le fis de 13 ans de Minna, s’est retourné pour demander aux parents de ma compagne Layla s’ils allaient faire la Sentinelle… Je constate avec plaisir qu’il y a de plus en plus de participantes et que notre petit groupe est toujours aussi cosmopolite. J’ai skié des années pour la marque norvégienne Norrona et j’ai eu l’opportunité de venir à de nombreuses reprises skier en Scandinavie. J’aborde donc ce séjour sans nourrir trop d’attentes question météo. On ne peut être sûr de rien dans ces contrées et j’ai connu le meilleur comme le pire au cours des dix dernières années. En fait, j’avais surtout imaginé du mauvais temps, du vent et bien sûr, du froid. Mais certainement pas les cinq jours de soleil et de températures ridiculement hautes qui allaient suivre.

Pascal Tournaire

Town-in

« Rendez-vous à 8 h 15 devant l’hôtel, on partira à ski pour rejoindre des motoneiges qui vont nous attendre au bord d’un lac, à deux kilomètres du village. »

Skis à l’épaule, nous traversons la route et suivons une piste qui dessert quelques maisons éparses puis gagne le front de neige et la forêt de petits bouleaux tortueux. Pascal trotte devant le groupe et nous mitraille allègrement. La plupart des participants découvrent la Scandinavie sous un soleil intense. Je vois beaucoup de sourires sur les visages qui m’entourent.

Pascal Tournaire

Après avoir retrouvé les chauffeurs de motoneige, on se fait tracter par grappes de dix sur plus de quinze kilomètres afin de rejoindre de jolies pentes et couloirs exposés plein nord qui plongent sur la mosaïque bleu vert d´un lac gelé. Il fait chaud et parfois les bécanes s’enfoncent dans la neige mole.

Pascal Tournaire

La neige colle sous l’effet de la chaleur, certains partent tout de même skier, d’autres pêcher ou profitent simplement du fameux barbecue de Yarko et de l’ambiance ensoleillée allongés sur un tapis de mousse et de lichen. Le retour en fin d’après-midi est épique. Écrasé par la chaleur et déshydraté, notre groupe traverse péniblement de longue étendue de neige boueuse à la surface du lac (les motoneiges ne peuvent pas nous tirer sur ces zones marécageuses). Mais la galère annoncée se transforme vite en une bonne partie de rigolade.

Pascal Tournaire

Tamok

Nous sommes passés en Norvège, avons roulé pendant plus d’une heure et garé les bagnoles le long d’une rivière, face à un spot aussi alléchant que reculé et qui semblait n’attendre que nous. Yarko, gérant du snow camp de Tomok et qui nous accueillera ce soir, nous a rejoints. Puis, on s’est rapidement préparé. Tout le monde s’est aligné sur la route et j’ai sonné le départ.

Pascal Tournaire

Sauter le fossé et chausser les skis pour remonter dans de la neige molle au cœur d’une forêt dense. Je me souviens que la lumière était superbe en ce début de journée. Faire la trace en se relayant et en bavardant, puis assister, médusés, à de grosses avalanches de fonte, dont une titanesque accompagnée d’un grondement qui a dû s’entendre à des kilomètres à la ronde. Dans ces conditions de neige lourde, le parcours s’adapte au maximum de sécurité.

Pascal Tournaire

C’est une magnifique journée habitée de montagnes toutes différentes. Partager l’effort de la montée… Quand je me retourne, je vois cette jolie fille tout habillée de couleurs qui progresse tranquillement le long d’un cirque somptueux dont le décor se dévoile lentement, jusqu’à entraîner la pente vers le rivage d’un bleu profond. Plus tard dans la journée, notre groupe se pose au sommet d’une crête et, après s’être régalé du paysage et de l’instant, profite d’un cours magistral de Vivian et Ross sur l’utilisation des cordes et les différentes techniques et moyens d’assurances. Ce genre d’info ne se trouve pas dans les livres ou sur internet. C’est quelque chose de précieux. Alors tout le monde s’est assis pour écouter, comprendre et assimiler ce savoir.

En s’appuyant sur le versant nord, la neige est restée bonne à skier et nous finissons avec une classique norvégienne : le slalom à fond dans les bois pour se brûler une dernière fois les cuisses.

Pascal Tournaire

Comme la montagne et la neige sur laquelle nous évoluons, la Sentinelle est un événement vivant et changeant. Toujours en quête de nouveaux massifs, elle réunit des skieurs passionnés de tous âges et de toutes nationalités. Mais au-delà de ce brassage des cultures du ski, j’ai cette fois ressenti un côté presque familial lors de cette édition. Elmo, Julia, et ce couple de Canadiens venus avec leur bébé… C’est comme une réunion de famille où les nouveaux venus se sentent vite adoptés et trouvent leurs marques autour d’un bon repas, avant de devenir de solides amis une fois partagés quelques moments de plaisir, d’effort, de joie et de galère en montagne.

Pascal Tournaire

Épilogue

Le Nenets, peuple polaire d’éleveur de rennes, proches dans leur mode de vie des Lapons que nous avons rencontré au cours de ce voyage, possèdent une quarantaine de mots et d’expressions pour un autre pour la neige gelée, ventée, de printemps parsemée de plaques fondue ou encore fondant au soleil… Cela montre leur capacité à comprendre cette matière, mais aussi la nature, le ciel et le climat.

Nous avons vécu cette édition sous le signe de la découverte et du voyage.

Bruno

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