En 2012, j’ai décollé pour Santiago et mon premier voyage à ski dans les Andes centrales. C’était la première fois que je partais explorer une chaîne de montagnes pour chasser des premières et j’ai vécu quelque chose d’exaltant. Alors j’ai continué à effectuer cette migration saisonnière et l’automne 2018 n’a pas dérogé à la règle. Les 6 semaines de voyage seraient segmentées en trois étapes : famille, encadrement, exploration.
Les deux premières semaines de mon voyage, je les ai passés avec ma fiancée Erin. C’était la première fois qu’elle partait skier en Amérique du Sud et elle était super enthousiaste. On a voyagé au sud de Pucon (Chili, NDLR) pour explorer des volcans et leur douce neige de printemps. Globalement, on s’est pris beaucoup de pluie, mais on a pu skier quelques jours et on a eu des journées bien remplies. On peut dire que la patience n’est pas ma plus grande qualité alors ce fut un sacré test !
Notre première réussite fut le Villarrica, un volcan assez fréquenté où nous avons doublé des centaines de grimpeurs avant de faire les premières traces de descente, soit environ 5 kilomètres de super neige de printemps mâtinée de poudreuse qui ont brièvement assouvi notre soif de glisse. La météo du nord de la Patagonie est très capricieuse et on était déjà content d’avoir pu faire une grosse descente. Les jours suivants, nous avons skié le lointain Quetrupillan. C’était la première fois que je traversais des forêts skis sur le dos dans les Andes. Ensuite, nous avons été contraints de faire demi-tour sur le puissant Lanin par un matin crépusculaire. Quel sentiment ce fut de voyager et de partager mes aventures Andines avec une personne qui compte tant pour moi.
Fin septembre, il était temps pour Erin de rentrer aux États-Unis et pour moi d’attaquer le boulot. J’avais une semaine de guide avec trois skieurs installés dans la région. Nous avons gagné les Andes centrales précédés de sombres prévisions météo. Au programme, ski de pente, glaciers, camping hivernal, soit tout ce que j’aime le plus en montagne. Au cours des jours suivants, nous avons établi trois camps avant de pouvoir skier le Cerro Morado (4 674 mètres) par une magnifique journée andine. Le Morado est un bijou de ski de montagne qui combine escalade technique, altitude et ski de pente, soit exactement ce que l’on recherchait. Après ce succès, nous avons fait d’autres beaux virages dans les spectaculaires couloirs du Cerro Arenas (4 366 mètres) avant de rentrer à Santiago.
Après une bonne douche et quelques emplettes, c’était reparti pour les montagnes. Cette fois, j’avais mes bons potes Billy Haas, Aaron Diamond et le local Diego Saaez dans mon sillage. Échanger des dames pour des hommes n’est jamais recommandé ! Notre objectif était de reprendre le chemin de la vallée des Arenas pour tenter des objectifs que j’avais en tête depuis 2016. Une bonne plâtrée d’un mètre s’est invitée sur les montagnes tandis qu’on préparait notre départ. Les quémandeurs n’ont pas toujours le choix et si cette neige était prometteuse, j’avais peur qu’elle soit trop importante pour les grosses lignes que nous visions. Nous avons passé notre premier jour en montagne à nous tourner les pouces dans un refuge, et après 24 heures d’attente, sommes partis installer un camp plus haut sous un vent du diable. Les Andes sont une chaîne magnifique, mais c’est aussi l’un des endroits les plus venteux que je connaisse. Cependant, nous progressions et c’était le principal… Le lendemain, avec Billy, nous avons réussi à enchaîner des virages de poudre. Et si dix nouveaux centimètres fraîchement tombés nous incitaient à la prudence, maintenant que nous étions-là, autant faire une tentative.
Le cumul de neige tombé dernièrement compliquait l’ascension dans la voie. Nous savions qu’il y avait une barre rocheuse au milieu de la ligne et que le repérage à la montée pourrait nous éviter de tirer un rappel à la descente. Mais c’était aussi le chemin le plus aléatoire… Finalement, nous avons décidé de faire le tour par un itinéraire en peaux beaucoup plus doux. La vue sur les 5 000 et 6 000 alentour était a couper le souffle. Je pouvais voir des sommets que j’avais skié et d’autres que je rêvais de skier dans les années à venir.
Nous étions sur le sommet du Yamakawa, proprement à 5000, l’air était piquant et nous étions plein d’énergie. Nos traces nous menèrent entre le Yamakawa et le Cerro Cortaderas (5 220 mètres). J’avais déjà skié la face ouest du Cerro Cortaderas en 2012. C’était ma première belle première et cela ouvrait des perspectives pleines de promesses. Nous l’avions baptisé Danky 21, du nom d’une crème glacée locale. En 2017, notre ami Caleb Ladue s’était tué en tombant dans une crevasse alors qu’il skiait le Cortaderas avec Diego. Ce fut un coup terrible. Il était jeune et avait tant d’aventures, d’amour et d’histoires à vivre. À la montée, nous sommes passés près de la crevasse qui avait pris sa vie. D’ailleurs, pourquoi risquions-nous la nôtre ? Il est difficile de rationaliser ce qui nous pousse à chercher de nouvelles pentes raides et à nous exposer. Mais à la fin de la journée, c’est ce qui fait ce que nous sommes. Cela remplit un vide et je pense que Caleb serait fier de notre descente. Nous avons chaussé, puis skié beaucoup de gauches droites, les 50-60 cm de neige fraîche corsaient les choses mais ça restait sensé. Nous avons désescaladé skis aux pieds des séries de rocailles, navigué à travers des corniches, toujours avec cette volonté de garder nos skis et de ne pas sortir la corde. Enfin nous avons rejoint le camp et préparé nos sacs.
Les deux dernières semaines furent consacrées à tenter une ligne sur un 6 000 jamais skié. Nous avons passé cinq jours à acheminer des sacs de 70 litres rien que pour rejoindre le pied de la voie. Les 2 000 mètres de la face sud-est étaient intimidants mais envisageables. La peur rôdait. Cependant, après quelques jours d’attente météo, on s’est rendu compte que nous n’aurions pas assez de nourriture pour tenir le siège. Les vents Andins nous parlaient et nous avons été sages de les écouter. Nous avons retraversé la frontière, plus ou moins légalement, pour rejoindre Santiago. Il était temps de rentrer.
Volcans, guide, sommets, nouvelles lignes, vent, pluie, peur et ski de pente. Nouveaux amis, vieux amis et amis disparus. Les Andes continueront à m’inspirer. Je reviendrai à l’automne 2019 pour une nouvelle chasse. Quelle manière de commencer la saison ou de terminer la précédente, tout se mélange dans un univers bleu, blanc, roche.