Fragments de solitude

Entre le bien et le mal, le jour et la nuit, l’ascétisme et la volupté, il n’existe pas de seuil, tout se dérobe et se brouille. Felix Olsson partage ce trouble, entre nuit chamoniarde et éclat du mont Blanc.

Felix Olsson

La chambre est froide.
Mon radiateur a décidé de prendre congé la semaine dernière et j’attends son retour soudain.
Je me réveille lentement, enroulé dans un amas de duvets et de couvertures. Sur mon écran, deux informations importantes brillent dans la nuit.
La première : 7 h 54, parfait, j’ai une chance d’arriver le premier au col des Rachasses.
La seconde : Message, *prénom féminin censuré* “Hiii 🙂 <3 Tu fais quoi ce soir ?” -01 h 34
Hm Haha
Délivré en plein prime time du club des cœurs brisés cherchant à tromper la solitude dans tous les bars et pubs de la ville. J’aurais sans doute eu plus chaud au réveil si j’avais reçu ce message avant d’aller me coucher.
On est en février et la lutte est sans merci.

Felix Olsson

Des queues palpitent comme des asticots à l’entrée des remontées, ou cherchent à pénétrer dans des hôtels ou des restaurants. C’est comme de vivre dans une grande ville, le smog et la pollution sont omniprésents. Les stations essence sont à sec.
Je soigne le mal en mettant mes peaux pour partir loin, loin, là-haut.
Le sommeil me retrouve tard chaque soir.

Felix Olsson

La-Peur-De-Rater me réveille chaque matin à côté de quelqu’un dont je me souviendrais ou non du nom.
D’ordinaire, nous ne déjeunons pas ensemble. Elles ramassent leurs affaires et disparaissent. Je me tire en quête de solitude et de bonne neige.
Parfois en montagne, il suffit de trouver un endroit tranquille, de s’asseoir et d’écouter.

Felix Olsson

Silence.
Félicité.
La solitude est là où nous partons, plongeant vers l’immense glacier tandis que le col des Rachasses s’efface. Il y a des dizaines de skieurs derrière nous et nous ne sommes pas venus pour socialiser. Bientôt nous voilà dans notre jardin redevenu sauvage. La montagne s’en porte mieux.

Grands-Montets 2 020 – pas de remontée pas de problème. Je me retourne pour regarder de vieux potes, aiguille du Tour, aiguille du Chardonnet, aiguille d’Argentière… Cet endroit est devenu un bout de moi-même et ces sommets comme des compagnons. Montant lentement vers un col lointain, je pense aux évènements de la saison. Impossible de dépasser cet endroit, plus vous progressez et plus le défi s’élève.

Felix Olsson

Décembre : Col des Autannes, Kronenbourg, Safety Grab
Févier : Aiguille d’Argentière, M.O.F Chartreuse, Blunt 540

Je me demande jusqu’où nous irons si nous restons en bonne santé, sains d’esprit et heureux. J’ai l’impression que mes jours dans cette vallée sont comptés et si je pars, je veux que ce soit sans regrets. Nous avalons un rapide casse-croûte dans l’ombre des cathédrales avant de repartir, toujours plus haut, pour prendre pied sur ce col lointain.

De retour dans la vallée, la réalité de ma vie reprend ses droits. On est en février mais on se croirait en avril. Les personnes sensibles au pollen achètent leur traitement et les vététistes sont apparus aux diverses terrasses de la ville aux côtés des skieurs.
Le soleil se couche sûrement, Charmoz, Blaitière et l’aiguille du Plan sont parés d’orange et de rose.
Bien fatiguant aujourd’hui. Il me faudrait de l’eau et des vitamines.

Felix Olsson

“Deux pintes s’il vous plaît. Est-ce que vous faites des shots ?”
Le temps est superbe demain et j’ai vu toutes ces lignes vierges dans le bassin d’Argentière cet après-midi.
“Vous sortez ce soir ? Margaritas ? OK, je vous rejoins.”

Felix Olsson

Il n’est que minuit, j’ai encore une chance d’être le premier au col des Rachasses demain. Mais j’ai comme une montée de décadence et le Social est si beau en rose.
“Tu veux boire un thé chez moi ?”
Hum.
Haha.
Peut-être pas le premier au col.

Felix Olsson

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