Entre hiver, été et hiver : part 2

Second volet des méditations estivales de Felix. Face à la flambée du trail – ou comment transformer une activité individuelle de loisir en une meute mercantile – l’extravagant Suédois est allé méditer le long des chemins d’altitude de la vallée de Chamonix.

Des cailloux, des racines, des écorces, des bois.

Felix Olsson

Au moment de quitter la route goudronnée pour m’engager sur le petit chemin forestier, je me dis que j’aurais bien des skis de rando aux pieds. J’attaque les lacets, lentement, sûrement, mais je dois sans cesse faire taire cette petite voix qui me répète inlassablement qu’il n’y aura pas de neige là-haut.

– “Vas-tu la fermer ! La descente n’est pas la seule chose qui compte.”

Pour la première fois de ma vie, je me retrouve à habiter toute l’année en montagne. Me voilà donc plongé dans un quotidien que j’imaginais avec anxiété : comment vivre sans la neige et le froid à Chamonix ? Deux socles de ma vie au pied du mont-Blanc.

Bien sûr, de nombreux locaux m’ont dit que l’été valait mieux que l’hiver. Mais je n’ai jamais vraiment compris les raisons à cela.

”On peut aller à vélo, marcher en forêt, courir sur les sentiers, boire des apéros et porter des tongs après un hiver passé en chaussures de ski. Pas besoin de se lever tôt pour savourer la poudreuse. L’été, c’est barbecues et plein soleil.”

Felix Olsson

À mesure que je monte, j’essaie de trouver une justification à tout ça… Oui, je me sens bien et ma peau se délecte du soleil. Une sensation de légèreté est bien différente de celle éprouvée sous des vêtements techniques quelque part sur un col lointain. Je souris. Mes muscles se sont réchauffés. L’intensité de mon combat contre la pente s’atténue. Le vert de la forêt, sombre et profond, m’enchante.

Je me demande ce qui me plaît tant dans le ski de rando.

Et qu’est-ce que je suis vraiment en train de faire ici, maintenant ?

Une chose est claire : je n’ai rien à cacher, rien à prouver, rien à craindre.

Rien à gagner.

Rien à perdre.

Je ne sais pas ce que je suis vraiment en train de faire, mais cela n’a rien à voir avec les marathons, les compétitions, les académies. Tout ce que je fais… C’est être libre de bouger, libre de respirer, libre de vivre.

Et pour cela, tout ce dont j’ai besoin, c’est d’une paire de chaussures et d’un peu de temps.

Felix Olsson

Pas de spectateurs.

Pas de juges.

Exactement comme le ski de rando.

Être en pleine nature – avec des potes ou tout seul – explorant des recoins archaïques au plus profond de mon être.

Se connecter avec les éléments… d’accord, mais encore ?

De nombreux articles nous vantent les vérités fondamentales que nous révèle la beauté de la nature, mais sans nous en donner les clefs.

Pour moi, une grande part du mystère réside dans le silence. Les publicités et les panneaux ne nous disent rien sur le silence qui nous enveloppe lors d’une ascension en montagne. Le voilà, le silence, tandis que le chemin repart à l’horizontal. Il n’y a plus que le son de mes pas sur le sentier. Cela me rappelle le froissement des skis sur la neige, comme s’il s’agissait d’un plaisir analogue.

Felix Olsson

Le sentier commence à descendre, et bien que la sensation soit très différente de celle que j’éprouve à skis, mes jambes semblent y trouver une similitude, quand la montée est terminée et que la descente commence.

Bon, ce n’est pas si mal tout cas. Si je m’y colle régulièrement, je serai sans doute plus affûté pour la saison d’hiver.

Bientôt, ce sera novembre… D’ici-là, le soleil peut continuer à caresser ma peau.

Comme avec les glaciers et les pentes hivernales, le sentier ne me demande rien si je viens lui dire bonjour de temps en temps (sinon, l’acide lactique et la douleur me rappelleront à l’ordre).

Le chemin, source de méditation et d’inspiration, reste à disposition. Et bien que j’aie toujours l’espoir secret de faire du ski rando, ce sera la cerise qui couronnera mes efforts.

Des cailloux, des racines, des bois. Ils sont charmants, sombres et profonds.

Je pense que la chose plus importante n’est pas – après tout – de simplement passer l’été, mais de bien le savourer.

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