Atomspheric River Eddies

Michelle Parker revient sur les exubérantes chutes de neige qui se sont abattues sur le nord de la Californie en janvier dernier. Plongée en neige trouble avec la pétillante crow de Lake Tahoe.

Quand on pense à la Californie, c’est rarement pour évoquer des murs de neige de 12 mètres de haut et une tempête sans fin surnommée snowpocalypse. Pourtant, si au cours du mois de janvier, vous n’étiez pas en train de skier, vous étiez sûrement en train de pelleter pour vous dégager. Ce fut un mois opaque. Au moment où j’écris ces lignes, nous sommes en février et j’ai les jambes en béton armée. Elles auraient même bien besoin de deux jours de repos consécutifs. La neige californienne s’est faite plutôt discrète ces dernières années et il faut remonter à 2011 pour trouver une saison où l’on mesurait les chutes en mètres plutôt qu’en centimètres. La fougue est donc de retour et l’effervescence tourne à plein régime. Je ne peux tout simplement pas arrêter de skier… ni de pelleter.

Et tandis que la vie s’écoule au pays de la neige enchantée, la ville souffre. Des arbres chutent sur les lignes électriques, les maisons et les voitures. Le courant a été coupé pendant de longues périodes, ce qui a forcément pénalisés les commerçants. Des toits se sont effondrés et le responsable du déneigement local, à force de labeur, a terminé déshydraté sur un lit d’hôpital. La station, submergée de neige, a baissé le rideau. Les remontées ont été totalement ensevelies et, un matin, le risque d’avalanche s’est coloré de noir. Ce qui implique que tout, absolument tout – quel que soit l’altitude ou l’inclinaison – est devenu dangereux. Nous avons reçu, en moyenne, entre 30 et 40 cm par jour pendant huit jours consécutifs et atteint le chiffre de 7 mètres pour le seul mois de janvier !

Le scénario se répète, chaque matin, après le réveil, je mets mon costume de skieuse et passe la tête à travers la porte d’entrée – désormais de guingois à cause du poids de la neige sur le toit – et je commence à pelleter. Ensuite, je pose mes skis dans mon pick-up et pars randonner sur la rive ouest du lac Tahoe. Une fois sur place, je dois à nouveau pelleter pour me dégager une place de stationnement avant de chausser. Ce schéma s’est invariablement répété tout au long du mois de janvier, avec parfois quelques gloutonneries de poudre quand la station ouvrait. On a ainsi pu se rappeler à quoi ressemblaient nos hivers d’enfance avec des montagnes toutes blanches.

J’ai envisagé de partir skier sur un autre spot, mais à chaque fois, j’ai été contrainte à renoncer à cause des routes coupées. Au début, cela ne m’a pas posé de problème, à quoi bon chercher de la poudre quand vous avez de telles conditions à la maison. Je me sentais comme une gamine. Je skiais en ville, randonnant à travers les rues sombres et désertes. Je n’oublierais jamais ce mois de janvier 2017.

J’allais terminer cette histoire quand un photographe m’a embringué dans une chasse aux dernières poches de neige. C’était il y a une semaine et, depuis, la neige s’est transformée en pluie.

Les dix premiers jours de janvier, Lake Tahoe a cumulé 127 milliards de litres d’eau. Rien que ces deux derniers jours, il a plu quelques 32 milliards de litres. Cette quantité d’eau va certes permettre à la Californie de soigner sa sécheresse chronique, mais pour moi cela représente un dilemme. Dois-je m’enchanter de la tempête en espérant que la neige recouvre aussi les pentes inférieures de la côte est des Sierras ou que le ciel marque une pause et que je puisse rejoindre des climats plus froids. Hier j’étais en train de faire mes sacs quand j’ai lu les gros titres sur la fermeture des routes menant à Jackson à cause d’une coupure générale de courant.

Alors j’ai pris mon ukulélé pour m’aérer l’esprit. On est bien obligé de faire avec ce que mère nature nous donne, pas vrai ? Voici un morceau original accompagné de Aaron Blatt. Peut-être qu’il y en aura d’autres à l’avenir car il semble que j’ai attrapé le blues du crépuscule.

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