Atterrissage du Super Frenchie :
interview sur le film événement de Matthias Giraud.

Attention, pulsions cardiaques de haut vol en ski éjectable. Matthias Giraud célèbre aujourd’hui la sortie de son film Super Frenchie. Ce projet sonne comme la consécration d’un skieur qui voulait vivre haut dans les airs au-delà de ses limites, loin de la normalité. Projetant en ligne de mire le chemin exigeant de sa vie de ski-base-jumper possédé par la détermination de faire ce qu’il aime le plus au monde, il dévoile en images onze années d’une carrière perfusée à l’adrénaline à la poursuite d’une existence périlleuse et agréable.

“On a tous une date de péremption, alors autant avoir le courage d’honorer ses passions et vivre pleinement” me confie Matthias.

Le dernier opus de notre crow aérien paraîtra sur toutes les plateformes web et dans les salles de cinéma le 4 Juin. Orchestré par le réalisateur Chase Ogden qui a suivi les hauts et les bas de l’athlète pendant une décennie, ce film documentaire met une claque. Vous connaissez Matthias Giraud alias Super Frenchie [Un superman frontflip de Matthias aux USA orné d’une cape du drapeau Français lui avait valu ce surnom dont il s’amuse avec auto-dérision] pour ses talents d’homme oiseau en ski base jump. Avec ce film d’une vie, l’hédoniste vous emmène au-delà des barres rocheuses. Pour la première fois son histoire fait le grand saut au cinéma et on découvre l’envers du décors de cette discipline souvent qualifiée de folie inconsciente à tort. Matthias se met à nu et retrace les étapes et les accomplissements de sa vie de skieur volant au-dessus de falaises terrifiantes et parfois cruelles. Souvent montré comme un skieur invincible et hors du commun, on le découvre ici en version brute, plus humain que jamais. Entrecoupées d’images plein gaz retraçant tous les sauts à ski ayant forgé sa renommée, il se livre ici dans l’intimité. Unique mais comme tout le monde, il relate sa préparation mentale, son entraînement à toutes épreuves, ses angoisses, ses responsabilités de papa et la philosophie qui l’a guidé tout au long de sa carrière dans les airs. L’homme vit selon ses propres règles. La peur fait toujours partie de son quotidien mais il l’appréhende différemment avec le temps.

L’omniprésence de sa lucidité guide désormais ses décisions et l’a conduit sur le chemin de la sagesse après une expérience quasi-dramatique contre la falaise de la Pointe d’Areu dans le massif des Aravis. Cet accident survenu en 2013 trois semaines avant la naissance de son fils l’a ramené à la raison sans lui faire abandonner ses objectifs pour autant. Après une solide rééducation et une remise en question profonde, il lui fallait renouer avec l’appel du vide. Ayant toujours rêvé de skier et sauter du Mont Blanc pour établir le record du monde du saut le plus haut en altitude jamais réalisé, il ira au bout de son épopée. Ce film, c’est pour lui l’aboutissement d’une vie passée à s’envoyer en l’air pour atteindre la plénitude et la fin heureuse d’un chapitre qui lui semblait inachevé. La philosophie de l’engagement qui a comblé ses rêves d’enfant : tester intensément ses limites parfois pour le pire et finalement, pour le meilleur. Du haut de ses 37 ans, le gamin de Megève installé dans l’Oregon a une aura teintée de liberté, parfumée d’amour pour les montagnes qui le font planer en apesanteur. A travers son film, il souhaite inspirer l’aventure humaine, le soutien sans faille de ses proches à qui il doit une partie de sa réussite et son désir ultime d’accomplissement en montagne.

Salut Matthias, ton film a certainement connu des changements de direction au fil des années de tournage avec Chase Ogden. Es-tu satisfait du résultat final ? Comment ça a commencé et quelle était votre idée initiale en 2008 ?

C’est une grande page qui se tourne pour moi et de la plus belle des manières. Je suis à l’apogée de ma vie aujourd’hui. L’ambition est globalement restée la même sur le fil conducteur de notre film mais il y a eu des changements c’est clair. En fait Chase et moi étions tous les deux assez naïfs sur l’idée de départ. Je suis parti vivre dans le Colorado pour skier et faire mes études supérieures et on s’est rencontré quand j’avais 24 ans. Je venais de faire le premier saut de ma vie en ski-base jump sur le Mont Hood en Oregon qui était aussi une ouverture de voie en ski-base là-bas. L’engouement des Américains a été considérable autour de cette première. Je me suis retrouvé sur les plateaux TV aux Etats Unis, et j’ai fait une interview sur ABC news. Mon saut a rapidement fait du bruit et le rayonnement de ma tentative réussie dépassait le monde du ski.

J’étais en recherche de mes premières percées dans le monde des médias j’avais 24 ans et j’étais excité à l’idée de me faire connaître. Je me suis retrouvé sur les plateaux TV de good morning America entre autre aux Etats Unis, et j’ai fait une interview sur ABC news Chase Ogden était le Caméraman. Après notre rencontre, il m’a proposé de faire un film et j’ai foncé avec lui sur cette idée. A ma grande surprise, monsieur Shane Mc Conkey nous a rejoint sur le projet. Le projet avait pour ambition d’être sponsorisé par Red Bull. On devait orienter ce documentaire sur Shane qui était à la pointe du ski-base et en m’offrant le plus beau des rôles puisque je représentais la relève de ce sport à ses yeux. Mais le destin en a décidé autrement. Il s’est tué un an après le début lors d’un saut en ski wingsuit [comprenez l’association d’un saut à ski d’une barre rocheuse à l’aide d’une combinaison de saut souple en forme d’aile doublée d’un parachute pour l’atterrissage].

J’ai vraiment pris une claque car il m’avait pris sous son aile, c’était devenu mon mentor et j’avais beaucoup à apprendre des leçons qu’il m’enseignait. Le projet initial s’est donc réorienté. A l’époque pour ma part je me suis lancé dans le ski-base avec l’objectif ultime de sauter depuis le sommet du Mont Blanc. Les images retracent différentes étapes de ma progression dans cette discipline et le chemin a été long pour en arriver là. Mon accident à la pointe d’Areu en 2013 (dans les Aravis) a considérablement allongé la durée du tournage. On ne pouvait pas forcer l’évolution de cette histoire.

Ma rééducation a duré quatre ans et on a voulu prendre notre temps. J’ai hésité à revenir car la pointe d’Areu n’est pas une montagne idéale pour le base jump, il y a un angle d’approche à l’aveugle, du vent qui s’engouffre dans la vallée et qui vient très souvent perturber les conditions sur place. Mais mon retour réussi sur cette même montagne en 2019 puis deux mois après le saut final sur le toit de l’Europe, c’était un accomplissement majeur dans ma carrière de skieur et la fin d’un chapitre majeur dans la vision de mes projets. Chase Ogden a décortiqué onze années d’enregistrement sur des disques durs avec le contrôle total du processus créatif et de la narration et on a enfin pu achever ce film qui fut une aventure introspective intense sur ces années de ma vie. Je suis super content du résultat et j’ai déjà hâte de pouvoir mettre en forme la suite de ma carrière en images…

Est-ce que le sommet du Mont Blanc en ski Base Jump est une consécration pour toi ou une simple étape sur ton chemin ? As-tu encore des montagnes qui te font palpiter d’envie en ski-base ?

Franchir cette étape, c’était dingue. Ça m’a ouvert les yeux sur des rêves que je pensais inatteignables auparavant. J’ai une grosse liste que j’aimerais sauter dans les Alpes, dans la Cordillère des Andes et au Pakistan. Ces sommets si j’ai l’occasion de les faire feront donc l’objet d’un second film, réalisé pour les Français cette fois. En sautant le sommet du Mont Blanc, j’ai abordé cette aventure avec une approche d’alpiniste. Je ne dénigre pas l’hélicoptère qui me sert désormais comme outil d’organisation de la sécurité globale et comme engin de secours au cas ou dans mes projets. S’il y a un besoin de reconnaissance d’itinéraire, je pars en repérage. Je suis monté une fois en hélico pour visionner la forme des séracs avant de me lancer mais ça s’est arrêté là. J’ai réalisé ce projet en alpi avec le guide de Mégève Alexandre Perinet. Ça donne une envergure puriste à ma discipline qui correspond à mes aspirations actuelles. Monter de A à Z avec vingt kilos de matériel sur le dos c’est super dur physiquement et mentalement mais la dimension humaine n’en est que plus belle, d’autant plus que j’attache une importance particulière à rendre mes ascensions propres pour notre planète.

Quand j’étais plus jeune je rêvais de faire de l’héliski partout. Mes idoles comme Seth Morrisson et Shane Mc Conkey dans le freeride se concentraient essentiellement sur la descente dans une optique de rentabilité avec l’héliski. C’était une approche extrême comme celle que je recherchais mais des montagnards comme Pierre Tardivel entre autres m’ont aidé à voir les choses autrement. Aujourd’hui je veux revenir à la source de l’alpinisme et toucher à mes désirs primitifs en allant chercher le côté physique, émotionnel et mental. Sentir la neige sous mes pieds à la montée, observer la direction et la puissance du vent m’aident à connaître les conditions de mon saut en temps réel. Je me rends compte de la faisabilité de mes idées le jour J et je veux évoluer dans cette direction. Je parlerais plutôt de ma discipline comme du Para Alpinisme, qui consiste à intégrer mon saut de ski-base dans une réalisation globale avec une logique de montagnard du début à la fin.

Comment avez-vous organisé la projection du film ? Est-ce qu’on pourrait le voir dans des festivals prochainement ou uniquement sur les plateformes internet ?

On a fait une tournée internationale dans les festivals depuis un an et demi. On a fait le tour des Etats Unis, on est allé à Katmandou au Népal, en Angleterre, en Espagne, en Pologne, en Italie puis ensuite arrive le temps de projeter le film en ligne et sur les petits écrans.

A partir du 4 Juin on va pouvoir trouver le film sur toutes les plateformes majeures de “films à la demande” sur internet. On a également pu organiser la projection du film au cinéma grâce à la boîte de distribution Greenwich Entertainment qui avait diffusé le film d’escalade à succès Free solo et qui nous a ouvert les portes des grands cinémas aux USA. Du côté de la France, Antoine Frioux sera le réalisateur de mon prochain film en préparation et c’est lui qui va s’occuper de placer Super Frenchie dans les festivals Français. J’ai hâte de voir comment le film est reçu à la maison, bien qu’il soit prioritairement conçu à l’origine pour un public anglophone. Je suis super excité à l’idée de démarrer le prochain et d’offrir au public Français une vision plus approfondie de mes idées et de ma nouvelle vision de ce sport en constante évolution , mes projets bouillonnent déjà.

Comment es-tu arrivé à surpasser ta peur et exacerber tes émotions tout au long du film pour toujours repartir de l’avant malgré les hauts et les bas de ce sport à double tranchant ?

La peur est quelque chose que tu ne peux pas renier. Au début, je faisais le cowboy et je ne voulais pas l’accepter mais j’avais peur. Puis vient une phase ou j’ai appris à vivre avec et je m’en suis servi comme d’une force pour m’écouter, apprendre à me connaître, et progresser en montagne. Au jour d’aujourd’hui je suis terrifié la veille d’un saut parce que je ressasse les bons et les mauvais souvenirs. Mais dans la phase d’exécution, l’expérience et l’habitude font que je vis ça comme un détachement, un lâcher prise. J’utilise la pression de l’air sur mon corps et mes skis pour créer une stabilité et je me sens planer, en accord avec mes désirs. Il y a une phase de digestion à tous les événements qui me sont arrivés pour rétablir les émotions et me remettre sur pieds. Un mois après le Mont Blanc, j’étais vraiment un zombie parce que j’étais en train de digérer le saut et même si ce n’était que du positif je revivais ce moment si particulier avec euphorie.

En revanche, l’accident à la pointe d’Areu m’a bouleversé à tous les niveaux, et j’ai mis de nombreuses années à me reconstruire et à combattre mes émotions. C’est un peu le côté magique de la montagne. On accumule tellement d’expériences intenses là haut que la digestion sera longue et les instants vécus resteront intactes selon moi. Le ski-base c’est une façon pour moi de rendre mon existence élégante et agréable, de vivre pleinement, d’échapper à cette vie euthanasiée que l’on peut rencontrer à un moment donné et particulièrement en ce moment avec la crise sanitaire dans laquelle on est tous plongés. Sauter en base, c’est mon exutoire et c’est ici que je peux m’accomplir en donnant du sens à mon passage sur terre. J’espère sincèrement que quand j’aurais 60 ans j’aurais encore cette connexion avec ma vie passée et ainsi atteindre la vieillesse avec un sentiment de sagesse et la sensation d’avoir tout donné. En tout cas, en faisant ce film, ce qu’on a voulu refléter, c’est l’expérimentation de notre existence. Chase Ogden ne voulait pas faire un film centré sur le ski, mais plutôt aborder des grandes questions de la vie à travers le ski et le base jump.

Et justement est-ce qu’on doit s’attendre à voir ton prochain film en 2030 ?

On va donc faire un autre documentaire Français cette fois qui évoquera ma vision d’une façon différente. J’ai sincèrement envie de mettre ma patte dans la construction du projet cette fois donc je vais m’impliquer davantage dans la production du film, de l’histoire, de la direction et de la narration. Il sera réalisé par mon très bon copain Antoine Frioux comme je le disais tout à l’heure, ancien fondateur de PVS productions avec David Lacote. Antoine travaille désormais sous le nom d’Ivresse films. C’est lui qui a filmé mon saut sur le Mont Blanc et on va bosser ensemble sur le prochain chapitre de ma vie avec ces nouveaux sommets que j’ai en ligne de mire. Je suis plein d’entrain pour montrer cette nouvelle approche montagnarde de ma discipline et faire évoluer ce sport sous son aspect le plus complet. On va se lancer à fond ensemble donc tout porte à croire que ça ne prendra pas dix ans cette fois [rires].

Shane Mc Conkey a été un héro pour toi et pour la construction de ce film. D’autres personnes t’ont inspiré pour en arriver là où tu es ?

Shane Mcconkey a été et restera mon mentor. Ce film devait voir le jour avec lui et même si la vie en a décidé autrement il a eu une grosse influence sur ma carrière et je m’inspire encore de ce qu’il m’a enseigné dans les techniques d’approche pour sauter, pour gérer ma carrière, je lui suis éternellement reconnaissant. On s’entendait super bien et j’ai beaucoup appris de lui en très peu de temps. JT Holmes a eu de l’influence sur moi aussi. J’ajouterais que la vie est un cycle et que d’autres pionniers m’ont montré la voie. Le Chamoniard Jean René Gayvallet a été l’un d’eux. S’inspirant de Rick Sylvester qui fut le premier à sauter en ski base pour le doublage du film de James Bond “L’espion qui m’aimait”, Jean René a été le premier Français à sauter en ski base du sommet de la face nord de l’Eiger en 1991. Shane a vu les images de Rick Sylvester pour le doublage d’un film de James Bond et celles de Jean René et s’est inspiré d’eux pour se lancer et amener un côté freeride. Et en déjeunant avec Jean René à Chamonix dernièrement, il m’a confié vouloir recommencer le base jump après avoir vu mon double backflip devant les séracs au Glacier d’Argentière. Je suis heureux si tel est le cas de pouvoir à mon tour inspirer les légendes qui m’ont donné envie de faire ce que j’aime le plus au monde. C’est un peu comme une mafia le ski-base, une fois que tu es rentré dedans tu n’en sors jamais vraiment ! [rires].

Matthias Giraud Ski Base Argentiere, Chamonix: Super Frenchie Diaries #8 on WIDSIX TV

 

Quels sont tes plus beaux souvenirs de toutes ces années de tournage ? Qu’est-ce que tu retiens de cet achèvement ?

L’image d’ouverture du film aux aiguilles Croches a clairement marqué mon existence. L’avalanche qui me suit et moi qui m’envole droit au-dessus de la face qui décroche c’est quelque chose que je ne reverrais plus jamais et je le sais. On en parlait souvent comme une blague de sauter par-dessus l’avalanche quand elle te poursuit mais c’est finalement arrivé pour de vrai. Les sauts en Islande ont été mémorables. Par dessus tout, retourner à la Pointe d’Areu a été un souvenir inoubliable. J’ai créé l’amitié d’une vie avec Stefan à Areu et Alex Perinet au Mont Blanc entre retour victorieux et accomplissement d’un rêve. Ces expériences fédératrices nous ont fait vivre comme si c’était les derniers instants de la vie ensemble. Ces histoires nous ont unis pour toujours, ce sont des moments trop intenses pour être oubliés. On a essayé de montrer ça dans le film, j’espère que les gens le ressentiront, c’est ma façon à moi de rendre hommage et remercier les copains qui m’entourent depuis tant d’années.

J’ai aperçu ton tatouage sur le bras gauche, est-ce que tu te sens davantage oiseau qu’humain ?

Ce tatouage témoigne d’un souvenir spécial qui date de la Pointe d’Areu quand j’ai eu mon accident. On a fait l’ascension et les conditions en arrivant sur place étaient parfaites ce jour-là. Le temps que je me prépare les conditions avaient changé et j’y suis allé quand même, la suite de l’histoire est à découvrir dans le film. Ce jour-là deux choucas volaient parallèlement au bord de la falaise. Il y a une légende propre aux Alpes qui dit que l’esprit de chaque personne disparue en montagne se reflète dans ces oiseaux noirs. Ils peuvent aussi être là pour chercher quelqu’un en montagne. J’ai donc ces deux oiseaux tatoués comme marqueur de ma vie mais j’ai volontairement laissé le troisième en blanc, car je ne suis pas devenu cet oiseau ce jour là, j’ai survécu. C’est le seul signe observable qu’on avait au niveau du changement des conditions, alors ça peut être pris pour de la superstition. Mais moi je considère que les “black crows” m’aident à rester super vigilant et me gardent en vie comme des anges gardiens. Ça tombe bien parce que Black Crows m’a pris sous son aile suite à mon accident [rires]. Rien ne naît du fruit du hasard, les forces motrices de la vie m’ont toujours amené à me rapprocher au bon endroit au bon moment des bonnes personnes.

Deux ans après la fin de ton film, est-ce que ton fils a changé d’avis sur le ski ? Est-ce qu’il veut essayer le ski-base un jour ?

Mon fils fait du skateboard et il est à fond dedans. Le ski il aime ça c’est sur. Mais je dois bien avouer quelque chose : faire du base jump je ne le souhaite à personne, c’est la pire des choses que tu puisses souhaiter à quelqu’un et paradoxalement la plus belle des choses à vivre. En base jump on apprend plein de choses sur soi, des tas de techniques, des heures de théorie, de réflexion sur le geste parfait, de la planification d’un vol à l’observation de la météo idéale pour assurer l’exécution du saut en sécurité mais il y a une chose à laquelle personne n’est préparé, c’est la perte d’un proche. L’aspect psychologique et le poids émotionnel que peut entraîner la mort autour de toi peut être destructeur. C’est une épreuve parfois insurmontable d’avoir à accepter de ne plus jamais voir un copain qui vient de sauter. Quand JT Holmes a perdu Shane Mc Conkey son ami de toujours, c’est de cette manière que c’est arrivé et il y pense tous les jours depuis. C’est un sport ou tu as rarement une seconde chance. Lors de mon accident où j’ai frôlé la mort, j’ai perdu une quarantaine de copains en base jump en quelques années autour de moi. L’engagement dans ce sport est tel que l’erreur n’a pas sa place si tu veux rester sur terre et à la fois c’est à ce prix que tu découvres l’essence de la vie. Si mon fils veut en faire plus tard, sincèrement ça ne me fera pas plaisir. Mais ce ne sera pas sans moi, je lui montrerais tout ce qu’il faut savoir faire pour survivre et je le préparerais à l’impact psychologique et émotionnel que cela peut avoir pour qu’il décide de son choix en connaissance de cause.

Et ma femme, sa maman l’a déjà prévenu : “tant que je suis en vie tu ne feras pas du base jump”. Il a 8 ans aujourd’hui et il accepte cette réponse. On a le temps de voir venir…

En tout cas, tu as très peu de concurrence dans ce domaine…

Pour l’instant je n’ai pas vraiment de concurrence c’est vrai mais je suis sûr que la relève viendra car je médiatise mes tentatives et ça va forcément inspirer des jeunes à s’y mettre. C’est un sport qui englobe tellement d’investissement dans la vie que ça freine beaucoup de monde. Pour le moment je suis peut-être le seul à regarder certaines faces et me dire que c’est possible d’aller sauter à tel ou tel endroit, alors je souhaite continuer à ouvrir des voies en ski base avant que ce soit trop tard. J’aime cette sensation de solitude, ça rend mes projets encore plus insolites et excitants. Les perspectives d’avenir et d’évolution de ce sport me donnent des ailes pour faire ce qui anime ma vie le plus longtemps possible.

 

Un échange fait et recueillit par Maxence Gallot

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