Sam Favret, le tank.
bienvenue à la maison

Le talentueux chamoniard Sam Favret arrive chez blackcrows, l’occasion de dresser son portrait et de parcourir plus de 30 ans de son ski, des premiers pas dans le jardin familial au pied du Mont Blanc, aux couloirs raides de cristalliers, en passant par la compétition en slalom spécial et aux années freestyle sur les kickers et les rampes d’escaliers qui font mal.

photo @fabian_bodet

Né en juin 1988, Sam Favret a été élevé par des parents chamoniards, d’un père forcément guide et petit fils de guide (seul le grand père a dévié, c’est un pur menuisier). Le jeune Sam apprend tôt à skier : « Il y a des photos dans l’album de famille, je suis dans le jardin skis aux pieds, je dois avoir un an et demi. » Forcément ça forge un caractère. Il est resté très proche de ses grands-parents paternels, Aimé et Claudette, « j’habite à côté de chez eux, et je prends toujours mon petit déjeuner là-bas, je vais y manger quand je rentre du ride. »

Jusqu’à l’année de ses 5 ans, c’est son père qui se charge de lui apprendre le ski. « Je faisais beaucoup de ski avec lui, mais il ne m’a jamais poussé. c’était bien. j’ai très vite accroché, j’étais motivé, pour moi c’était déjà addictif. »

Une jeunesse chamoniarde

À 5 ans, Sam entre au ski club de Chamonix. Il y restera 11 ans, dans une filière très compétition. « J’étais bon, donc c’était plutôt cool pour moi. Je n’étais pas forcément à fond de compétitions, mais j’aimais bien m’acharner, et j’avais les capacités, en particulier en slalom spécial. » Sa spécialité : le slalom spécial. Le virage, déjà, et le rythme.

À l’adolescence, Sam se rebiffe. Les entraineurs le saoulent, il a envie de s’amuser, de liberté, de plaisir avec ses potes. Il voit les entrainements comme quelque chose de forcé, de contraignant, tout le contraire du freestyle qui arrive en force, porté par Candide Thovex et les vidéos Rastafaride. « J’ai lâché l’alpin vers 15-16 ans, et je me suis mis à fond au freestyle. Il y avait la Cham Jam à l’époque, et c’était le rêve de voir des mecs comme Tanner Hall, Pep Fujas ou Rory Bushfield rider des grosses tables à Chamonix. »

Sam est un skateur de longue date et il n’a qu’une idée, progresser en freestyle. Ses parents finissent par passer un deal avec lui : OK pour arrêter son BEP de charpentier (il n’allait de toute façon quasi plus en cours) mais il doit passer son monitorat. L’affaire est vite dans le sac, et Sam part sur les routes dans la vieille merco de son mentor Chris Miolan, ou avec sa mère qui l’emmène se faire (et se casser) les dents sur les meilleurs snowparks de la région.

Rapidement, il n’a plus besoin de petits boulots ou de vendre des virages pour vivre de sa passion. Ses premiers sponsors lui donnent d’abord peu d’argent, mais surtout pas mal d’idées, comme c’est le cas chez Hammer sous la houlette de « Gros Max », un snowboardeur du team Advita qui va partager avec lui et ses skieurs l’esprit de la « vidéo part » et de l’image. « On avait un Renault Espace, un bout de caméra, on allait chercher de la neige dans les patinoires, le job c’était d’écouter Gros Max et de se jeter dans les marches. » Gros Max, c’est Thomas Maxheim, et lui aussi se souvient : « Je leur expliquais qu’il n’y avait pas que la compétition, ce qui pour des snowboarders a toujours été à peu près normal, mais les skieurs à l’époque me regardaient avec des grands yeux. »

Après un passage éclair chez Dynastar puis chez Atomic, c’est chez Nordica puis Rossignol et Rip Curl que Sam va vraiment évoluer dans la vidéo, notamment avec PVS, la boite de production menée par David Lacote. En parallèle, il s’installe dans une colocation créative avec quelques potes, qui vont faire avancer son image et son ski. Il y a là Alexis «Bouli» Blaise, le filmeur de toujours, qui accompagne Sam depuis les début avec cette caméra qu’un pote leur avait ramené de la déchetterie de Chamonix l’année de leurs 18 ans. Il y a Fabian «Chico» Bodet, le pote de skate des années collège, devenu photographe de ski à ses côtés. Et puis Hensli Sage, qui va devenir un pilote de drone capable de suivre Sam dans les couloirs les plus encaissés. En tout cinq potes qui vivent et pensent ski et vidéo, qui partent le matin pour rider dans la même voiture et reviennent à la nuit pour monter les images. De cette période Fabian Bodet dira « les tâches ménagères, ce n’était pas trop son délire. »

photos @fabian_bodet

Sam le glisseur

Si on remonte aux racines du style de Sam, un point commun à pas mal de choses dans son parcours revient au skate. « Je suis un skateur avant d’être un freestyleur » déclare Le Tank. « Je skate depuis que j’ai 8 ans, j’en faisais quand j’étais dans l’alpin, bien avant que je sache ce que c’était que le freestyle. » À Chamonix, il y a toute une génération de «grands frères» qui sont de très bons skateurs, et la pratique lui apporte une certaine vision, « c’est sans doute ce qui m’a fait dériver vers le freestyle ».  Ça et le snowboard, qui lui apporte une autre énergie, une autre vision. « J’ai toujours fait un peu de snowboard : mon père pratiquait, j’ai appris jeune. Aujourd’hui, si il y a une grosse journée de peuf, je me pose sérieusement la question. Si je pouvais revenir en arrière, je choisirais peut être de faire carrière dans le snowboard. »

D’après Julien «Pica» Herry, pas vraiment prodigue en compliments, « Sam en snowboard tu ne l’attends pas dans la forêt », une vraie médaille. L’an dernier, on l’a vu les 2 pieds attachés dans les Cosmiques, le glacier rond, bref il peut rider. « Sur un snow, j’adore surtout la forêt, c’est magique. Plus généralement, j’ai moins d’attentes, je vais être moins difficile qu’en ski, où je connais tous les runs. Pour me faire plaisir en ski il faut que ça aille vite, que ça enchaine. En snow, je me contente de pas grand-chose, je trouve du plaisir très facilement. » Plus généralement, Sam adore toucher à plein de glisses, et il y excelle généralement, que ce soit le skate, le snowboard, mais aussi le surf, qu’il pratique régulièrement. « Quand je suis passionné par quelque chose, je le fais à fond, » dit Sam.

Ce côté passionné et exigeant, cet engagement, tous ceux qui le connaissent le décrivent, d’une façon ou d’une autre. Pour Flo Bastien, team manager blackcrows et ami de longue date, « c’est l’un des skieurs les plus forts de son époque, il sait tout faire ». Pour Fabian Bodet, « il est super créatif depuis des années, et il ne s’est jamais laissé aller : il pousse toujours, il est déterminé, il ne lâche rien. » Sam sait ce qu’il veut, ou il va, et comment y aller. Pica encore « pour le probatoire, il s’est remis à l’escalade, il a tout de suite été bon, il a vraiment le pied montagnard. »

photo @fabian_bodet

Un skieur complet

Quand on demande à Sam de parler de ses skieurs modèles, le premier qui vient n’est pas une surprise. « J’en ai plein, mais je suis de la génération Candide. J’ai été très inspiré par les Rastafaride, par sa créativité, sa façon de créer, d’innover, sa façon d’être aussi.» Car le coté réservé et caché de Candide n’est pas sans résonner avec Sam. « Il parle peu, en tout cas il ne parle pas pour rien » dit de lui Maxime Moulin, le réalisateur qui l’accompagne sur ses derniers films. Pour continuer dans les modèles, trois noms : Tanner Hall, Eric Pollard et Pep Fujas. Des skieurs créatifs, qui ont fait évoluer le sport, et l’image.

Skieur complet, Sam a arrêté la compétition freestyle avant l’époque des big airbags et des triple corks, « nous on balançait la merguez sur les tables des 2 alpes réception béton ». « Il n’a pas un sac de tricks très profond, mais vraiment solide » dit de lui Flo Bastien. Mais ce qui intéresse vraiment Sam, plus que le spin to win, c’est de poser ses tricks dans la nature, « c’est pour moi la plus belle des manières, poser sur des spots vierges, sans un coup de pelle. » Et pour répondre à Flo Bastien en évoquant sa vision du backcountry, « forcément ça réduit ton sac à tricks : tu ne pratiques pas autant, tu es moins dans les parks, et puis sur un terrain naturel, avec une seule chance, tu as tendance à faire ce que tu sais faire de mieux. » Pour Sam, c’est les Unnatural cork 7 ou 5, les Bio 7 et 9, « j’avais aussi les switch 14 et les double corks dans le park à l’époque ». Mais c’est compliqué de faire plus en runs naturels, avec tous les aléas qu’il faut gérer en même temps. Dans ce genre de terrain ou on est livré à soi-même, on a plus envie d’assurer que d’essayer de nouvelles choses.

Car Sam avait la capacité de faire carrière dans le pur freestyle. Il termine 6ème de sa toute première coupe du monde en Finlande en 2012, et aurait pu s’engager dans ce nouveau parcours avec la fédé, les JO, les entraînements. Il a ce qu’il faut pour apprendre les tricks et suivre ce chemin. Mais il fourmille d’idées et a du mal à s’investir dans une discipline qu’il voit comme trop contraignante, « j’avais envie de me diversifier dans plein de choses, plutôt que de m’enfermer dans une case. » Pas de regrets, « j’ai suffisamment de tricks pour arriver sur un relief et faire quelque chose qui me plait. je me retrouve mieux dans l’image, et j’ai eu la chance de pouvoir créer des projets qui me plaisaient. »

Comment se fait-il qu’un rider aussi complet, entre la pente raide et le freestyle aérien, ne se soit pas présenté sur plus de compétitions freeride, et notamment sur le Freeride World Tour? Là encore, c’est un choix. Début 2011, Sam bénéficie d’une wildcard et finit 14ème sur l’étape de Chamonix (qui se court à Courmayeur), pas de quoi rougir pour un jeune de 23 ans peu expérimenté au milieu des stars du circuit. Après sa victoire en 2013 au Redbull Linecatcher, qui consacre sa polyvalence et son style « freestyle backcountry », l’organisation du World Tour lui propose une wildcard pour la saison suivante. Sam refuse. « J’étais dans mes projets vidéo, je n’avais pas envie de tout mélanger et d’être à moitié partout. » Pari gagnant, le film qui sortira l’année d’après, Backyards Project, a largement marqué les esprits et son temps. Ça n’empêche pas Sam de filmer, en marge du projet, une folle vidéo finaliste du Realski Backcountry des X Games 2015 (à voir absolument sur Youtube).

Et puis le World Tour, ça ne fait pas rêver Sam. « je regarde de temps en temps, mais à mon avis ça n’apporte pas toujours une belle image du freeride, même si ça s’améliore. J’ai eu plus de plaisir à regarder le Natural Selection de Travis Rice, le concept me touche. » Pour autant, il est conscient d’avoir eu de la chance de pouvoir grandir par l’image, en profitant des bonnes conditions, en posant lui-même les siennes, d’ailleurs. « Dans l’image, je suis sûr que je vais avoir un bon résultat à la fin de la saison, et que je vais me faire plaisir. »

Retour sur le Realski tourné en 2014 pour évoquer les blessures. Le surnom du Tank vient de loin : son pote d’enfance Chico Bodet se souvient, «il avait déjà un bon physique au collège». Sam a eu la chance de ne pas se faire trop mal au long de sa carrière, « pourtant je ne me suis pas ménagé! » sourit-il, de toutes ses dents qui lui ont couté cher. Le freestyle l’a tassé sur les parks, en street dans les marches d’escaliers, en backcountry et en skate… « Ça m’a fait du bien de me diversifier dans des trucs moins traumatisants, comme la pente raide, le surf et le snowboard! » raconte Sam à quelques mètres d’un beach break marocain. « J’ai la chance d’avoir un physique et des os plutôt costauds, je n’ai jamais vraiment été blessé, » dit-il avant d’énumérer quelques faits d’armes. Car OK, si pour un skieur de son niveau Sam peut se vanter de ne s’être jamais fait les croisés, il a quelques blessures à son actif :

– des chevilles en skate, un péroné, des petites blessures « maximum trois semaines un mois »,

– « Pour le XGames Realski, j’avais tapé la hanche dans un bloc de glace (c’est la séquence d’ouverture du segment). C’est ma pire blessure, je l’ai senti pendant des années, mais un mois après je pouvais skier. »,

– quelques « menton-genou » qui lui ont couté des dents, dont un sur un gros hip à Avoriaz, et l’autre sur un tournage des nuits de la glisse. « un trou que je n’avais pas vu pour rejoindre ma ligne, j’en ai eu pour 12000€ »

Mais tout ça pour Sam, fait partie du passé. En regardant vers l’avenir, il se tourne vers son apprentissage du métier de guide, celui de son père. Il a récemment été admis en tant qu’aspirant, et commence un parcours qui devrait durer 4 ans. « C’est grâce au ski, et aussi aux cristaux, deux activités m’ont fait découvrir la montagne et ouvert d’autres portes. » Pour Sam, plus qu’un métier ou une reconversion, c’est avant tout un bagage supplémentaire, une chance de se développer et de se diversifier encore, une envie personnelle profonde, et la suite logique d’un parcours commencé entre les piquets, enchainé dans les parks, puis sur les faces les plus raides.  « C’était vraiment pour moi le moment de me lancer, physiquement surtout. Et le ski m’a fait faire une longue liste de courses, il ne me restait pas grand-chose pour complèter. »

photo @fabian_bodet

Après des années de film avec son pote Pica (guide et snowboardeur unique), Sam dit marcher au feeling, suivre ce qu’il a envie de faire. « Dans mes films, j’ai toujours voulu apporter de l’esthétique, par exemple déjà dans Waking Dream, avec la belle voix de Bird. » Mais après plusieurs saisons de pente raide, il a voulu revenir sur des choses plus simples, et travailler à nouveau tout seul, quelque chose qu’il apprécie, en tant qu’athlète. « j’aime avoir la liberté de faire ce que je veux, sans d’autres riders qui, même si ils t’enrichissent, viennent divertir ta créativité. À plusieurs, chacun a sa vision, tu peux vite dériver. » Après s’être arraché les cheveux sur de très gros projets intenses, Sam a réduit la voilure pour se faire à nouveau plaisir sur les skis, vivre au jour le jour, laisser tomber la pression. Tout ça se retrouve dans Flow, et aussi son amour du son, et ses belles rencontres, ici avec Tristan Bres, un autre fidèle rencontré sur la route et qui s’imprègne de chaque projet pour en sortir des musiques taillées comme des diamants de glace, accompagné pour cette occasion de Mariella de Roca qui est venue poser des cordes.

« En plus d’être athlète, ce qui me plait dans la production c’est d’apporter ma vision de réalisateur, et avec mon équipe tout est  fait sur mesure. » Et si Invade Media, sa maison de production destinée à faire bosser son équipe de potes toute la saison, a un peu failli à sa mission, Sam ne regrette rien. Il avait besoin de ça pour se donner le temps, et le temps passe vite sur la neige. « Il faut imaginer que Ice Call a nécessité 2 hivers de tournage, avec des passages tous les jours par l’Aiguille du midi, pas d’hélico et de grosses bambées avec le matos sur le dos. »

Pas étonnant, en suivant ce parcours, ces choix et ce style de ski, de retrouver aujourd’hui Sam Favret chez blackcrows. « J’ai toujours eu le sentiment qu’un jour je skierais avec blackcrows » dit le Chamoniard. « J’adore la marque depuis ses débuts, elle est inspirante, créative, avec plein d’ambition dans l’image. Je suis Chamoniard et c’est une marque chamoniarde, je suis à la maison. » Et puis Sam connait du monde ici, son pote Flo Bastien, Yannick Boissenot avec qui il chasse les couloirs et les cristaux, Camille Jaccoux, Bird. Et puis les gars de la tarentaise, les Guri, les Guyot. « J’arrive avec une nouvelle motivation, j’ai l’impression de retrouver l’envie, une dynamique puissante et motivante. »

Dur de deviner ce que la collaboration entre les 2 entités chamoniardes va donner exactement, il y aura forcément de beaux projets vidéo… « Ça fait 3-4 ans que j’ai envie de donner une suite à Ice Call, mais je ne veux pas faire les choses à moitié, ce sera un très gros projet. » En attendant, cet hiver devrait voir fleurir un court métrage dans la lignée des Natural Mystic et Flow, qui va murir avec les premières neiges et s’épanouir dans les températures négatives du plein hiver. « On va apprendre à travailler ensemble et à se comprendre. »

« En plus de la marque et de l’image, je suis super content de la gamme, je n’ai aucun doute sur l’efficacité de tout le matériel, et j’ai hâte de tout tester, notamment la mountain wear qui a l’air cool et technique. Aujourd’hui, ça correspond parfaitement au profil de skieur que je suis devenu. »

Un skieur de montagne, qui sait voler loin quand il n’y a pas de traces. Un crow. Bienvenue à la maison.

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propos receuillis par Mathieu Ros

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