Coen Bennie-Faull : l’hiver perpétuel

Des Alpes Australiennes aux montagnes Rocheuses, le crow Coen Bennie-Faull s’est laissé entrainé dans un hiver sans fin.

Être Australien n’est pas forcément le meilleur atout pour consacrer sa vie au ski. Il existe certes de belles montagnes dominant le relief de cet immense pays, mais un passionné de glisse sur neige sentira inévitablement l’appel pressant du ski septentrional. Telle est la vie déchirante du skieur australien. Il ne pourra résister à quitter sa terre natale pour subir des dizaines d’heures de vol inconfortables vers l’Amérique du Nord ou l’Europe. Mais cette condition embarrassante peut aussi devenir la clef de l’hiver perpétuel, un rêve de skieur que Coen Bennie-Faull vit chaque année de manière déséquilibrée.

Tim Clark

Grandir à Melbourne n’est pas la condition idéale pour devenir skieur, qui plus est quand votre famille n’a pas grands moyens. Toutefois, la passion peut, à défaut de les soulever, rapprocher des montagnes. “Ma famille n’était pas particulièrement portée sur le ski avant que je ne débarque. Quand j’avais environ deux ans, nous avons eu la chance de rencontrer une famille qui possédait une maison à Mt Hotham, à environ 5 heures de route de Melbourne. J’ai glissé pour la première fois sur des skis en plastiques avec des sangles en guise de fixation. Mes parents ont vu que j’adorais ça et, bien que peu fortuné, ils ont réussi à nous emmener skier quelques journées chaque hiver. Puis, vers 14-15 ans, j’ai pu acheter mon premier forfait saison et la pente ne s’est plus jamais arrêtée.”

Le ski devient son principal objectif et il ne tarde pas à porter son regard vers le nord, et plus particulièrement Jackson Hole, au cœur des rocheuses Nord-Américaines. “Le premier film qu’on m’ait jamais offert s’appelait The Big One et était une production TGR. J’avais 13-14 ans et Jackson Hole fut dès lors épinglée sur ma liste. Mon premier voyage à Jackson date de 2015. Je revenais d’un tournage au Japon et je me suis retrouvé là avec deux mois sans neige. J’ai quand même rencontré des gens géniaux et j’ai eu la chance de pouvoir voyager un peu. Je suis allé à Telluride pour participer à une compétition, et puis j’ai passé quelque temps à Silverton. Mais mon objectif demeurait Jackson et, après quatre hivers, je n’ai pas regretté ma décision. Jackson, c’est le Chamonix nord-américain.”

C’est d’abord par la voie de la compétition que Coen cherche à faire son trou dans le freeride. Il participe à des épreuves du Freeride World Qualifier, notamment à Taos et Crested Butte, mais le ski avec dossard ne lui sied guère et il décide rapidement d’arrêter les frais. “Après avoir passé mes deux premières saisons à trembler dans mes chaussures dans un portillon de départ, j’ai décidé de me faire plaisir devant l’œil d’un cameraman plutôt que celui d’un juge. J’apprécie beaucoup plus le processus créatif et je me sens beaucoup mieux mentalement qu’il s’agisse de photos ou de vidéo. Pouvoir choisir sa propre destination et attendre que les bonnes conditions soient alignées plutôt que de skier dans des conditions loin d’être idéale pour la gloire d’un podium, voilà qui me convient beaucoup mieux et qui est à mes yeux plus valorisant.”

C’est donc grâce à ses rencontres et à son inflexible enthousiasme que Coen a pu acquérir une certaine notoriété, notamment par sa rencontre avec l’un des grands noms de la photographie de ski, lui aussi originaire de l’hémisphère sud, Tony Harrington. “Je shoote avec Tony Harrington depuis trois saisons. On produit du contenu pour les magazines de chez moi en Australie comme Mountainwatch ou Chillfactor. Et puis l’an passé, quand Haro travaillait pour TGR, l’opportunité de filmer avec Hadley Hammer et Johnny Collinson quelques jours à Jackson s’est présentée. Et puis quelques semaines plus tard, un autre Australien, Mitch Reeves est arrivé pour filmer un segment avec TGR et Haro m’a demandé si cela m’intéressait de venir skier tout en servant de guide à mon compatriote.”

Si Coen a réussi à mettre un ski dans la célèbre maison de production états-unienne, c’est aussi grâce à la compétition. En effet, bien que contrarié avec le système de jugement du Freeride World Tour, Coen s’est laissé amadouer par des compétitions plus décontractées et jugées par les concurrents comme le Kings and Queens of Corbets de Jackson Hole et le Buller X de Mt Buller en Australie. “Pour moi, une compétition jugée par les concurrents se rapproche beaucoup plus de l’ambiance d’un tournage. L’atmosphère est bien plus relax avec tout le monde qui s’encourage et s’enflamme.”

Tim Clark

C’est chez lui, lors du précédent hiver austral, qu’il a remporté le Buller X dont la récompense consistait en un segment personnel filmé par… TGR ! Sachant que c’est également Tony Harrington qui l’organise, c’est comme s’il était intronisé chez lui par sa bande de Jackson. “Les conditions se sont bien alignées pendant cette semaine de tournage à Jackson et je ne saurais être assez reconnaissant envers cette opportunité de me retrouver devant la caméra de l’une de plus grande production de sports de glisse. J’ai beaucoup appris de ces deux expériences et cela m’a donné plus de motivation que jamais pour continuer à poursuivre le rêve.”

Pour persévérer dans sa quête, Coen vit chaque hiver en miroir et retourne dans ses montagnes pour coacher l’équipe de freeski d’Hotham, travailler derrière le comptoir de l’épicerie locale et passer un diplôme de commerce en ligne. Cela lui permet de repartir pour un hiver septentrional libre de contraintes financières. Une vie de skieur vagabond sans pression à laquelle il est attaché. “J’adore créer du contenu avec des photographes ou des cameramans. J’aime toutes les étapes du travail et puis cela me permet d’approcher mes limites. Cela dit, je ne ressens pas le besoin de devenir trop sérieux. Tant que je fais ça, ce qui me motive, c’est de prendre le maximum de plaisir, d’explorer le plus grand nombre de spots à travers le monde et de rencontrer autant de personnes remarquables que possible. Quelque part, je me considère déjà comme un skieur professionnel. Ha ha ha. Je skie 200 jours par an quand je ne suis pas blessé et, vraiment, je ne vois pas trop ce que je pourrais demander de plus. Peut-être un peu de budget pour faire des voyages…”

Un pied dans chaque hiver, c’est celui du nord qui concentre le plaisir et cela laisse peu de temps pour partir au soleil. “Je fais mon maximum pour partir en montagne camper et skier (au cours de l’hiver austral, NDLR), mais mon objectif principal et de me préparer à l’hiver de l’hémisphère nord. Et quand je ne skie pas, que je peux m’échapper des études ou du boulot, je dirais que je chasse une vague quelque part, malheureusement le monde n’est pas parfait. C’est un de mes objectifs, dégager plus de temps pour des trips surf. Là par exemple, je prépare mon sac pour un voyage de trois semaines au Mexique afin de réchauffer mes orteils avant de replonger dans l’hiver en Australie. Je suis sur la bonne voie.”

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