Schouff schouff

Le guide états-unien Doug Workman, armé de ses navis freebird, est parti à la découverte du Haut Atlas marocain. Une aventure singulière pour une clientèle expérimentée, mais plutôt habituée aux expéditions à la mode occidentale.

“Les toilettes. Ils sont gelés. Faut aller dehors.”

Quand j’ai prononcé ces mots, j’évitais de croiser les regards. Notre hébergement était plus que sommaire et certains membres de l’équipe vivaient un véritable choc culturel. Je me suis drapé de ma djellaba – longue robe de laine traditionnelle – pour me glisser dans la nuit hors du refuge de Terkeditt. Enveloppé de l’odeur de plastique brûlé que dégageait le fourneau maison, j’allais me soulager derrière une butte.

Tout le monde était à plat après les 16 kilomètres et 1 500 mètres de dénivelé de la veille. Arrivés au col de Terkeditt, à 3 400 mètres d’altitude, on s’est arrêté pour regarder la vallée en contrebas. À nouveau, j’évitais de croiser le regard des clients en m’apercevant qu’au lieu de skier jusqu’au refuge, nous allions faire du trial dans de la caillasse sur 600 mètres de dénivelé. On ne gagne à tous les coups.

Aujourd’hui., le ciel est chargé On ne peut pas voir les 4 000 qui entourent le refuge. Quelqu’un demande un rapatriement au Four Season de Marrakech, un autre menace de ne pas déféquer les quatre prochains jours.

Il faut bouger. Les choses changent quand on bouge. Le refuge s’estompe rapidement dans les nuages à mesure que nous progressons à travers la moraine en direction du mont Omsoud, un sommet de 3 900 mètres que nous avions repéré à la montée. Nos skis ne laissent qu’une fine rayure sur la neige ventée. Un cri lointain à la poudreuse skiée deux jours plus tôt sur Jebel Azourki où nous avons rayonné autour de la superbe auberge de Zawiya Ahansal… Son eau chaude, ses salles de bains privatives et son wifi. Le refuge de Terkeditt semblait alors une bonne idée. Des porteurs et des mules pour transporter nos bagages vers ce refuge construit par les Français dans les années 1950. Ils auront forcément une machine à expresso. Que nenni !

Je n’arrête pas de regarder par-dessus mon épaule pour tenter d’apercevoir le refuge en contrebas. Il est là-bas, quelque part là-bas. Merci mon Dieu pour le GPS.

 

 

Doug Workman & Mark Bedenbender

 

“Ça fait du bien de bouger” hurle Cliff. Roz et Marc sourient. Oui, c’est bon de bouger.

Les nuages commencent à percer au bout de 300 mètres de montée. Trois grandes crêtes apparaissent et nous pouvons chercher la marche à suivre jusqu’au sommet, objectif improbable si les conditions ne s’améliorent pas.

Transition. Crampons. Skis au dos. Droit devant. L’altitude se fait ressentir quand nous franchissons la barrière des 3 500 mètres. Mais les nuages continuent de se dissiper et les sourires d’éclairer nos visages. On peut désormais voir la vallée et le refuge Terkeditt où Mitch et Matthew – qui ont préféré se reposer après la longue approche de la veille – donnent à notre traducteur et guide Hasan sa première leçon de ski.

Le sommet arrive plus vite que prévu, mais c’est surtout la vue stupéfiante sur le Sahara aux reflets orangés et les goulets chargés de poudreuses entre les arêtes ventées qui nous ravissent. On se congratule et saluons nos proches là-bas au loin. Peut-être qu’apparaissent même une larme ou deux aux coins des yeux.

Articles associés


À la pêche en Alaska



Mosetti – La face sombre du ski