Avril 2018. Fin de saison de guide ici dans les alpes françaises, un enneigement record, cela fait quelques années que nous n’avons pas eu des conditions de ski comme celles-ci ! Juste hallucinant sous les skis ! Heureux d’avoir retrouvé nos massifs avec un vrai bel hiver. Mais l’envie de couper de notre environnement familier se fait sentir, l’envie de découvrir de nouveaux horizons à ski est bien là.
Sylvain me propose un voyage, pour le nord de la Norvège et sa région du Finmark, loin des foules de skieur des Alpes de Lyngen et des Lofoten. J’avais depuis longtemps cette destination en tête. Ce pays scandinave et l’île de Rodoy ou l’on retrouve les premières « traces de ski », ou plutôt des peintures rupestres illustrant la pratique du ski pour se déplacer, quelques milliers d’années avant JC.
Notre camp de base se situe à l’ouest d’Alta à : Langfjordbotn. Notre petite cabane de pêcheur est au bord du Fjord, on y voit encore les traces de l’hiver, le fjord est en grande partie gelé sur une bonne épaisseur. Le confort est basique, répondant simplement à nos besoins. Ce lieu chaleureux est d’autant plus apprécié à la flamme du poêle.
De là, nous allons rayonner dans les différents fjords de la région. Le relief est changeant, par endroit arrondi comme de jolis dômes, un peu pelé par le rude climat, à d’autres, des faces rocheuses très raides rayées par des couloirs qui plongent dans les profondeurs des fjords.
On ressent un sentiment d’immensité des terres, la densité de population au km2 est faible en particulier dans le Nord (30 fois inférieur à celle de l’Angleterre). Mais le voyage à ski comme à chaque fois nous offre aussi ces rencontres. On ressent cet esprit viking, on se sent petit physiquement face au solide paysan norvégien que l’on rencontre. Et puis il y a cet esprit de conservation des traditions et de protection du territoire et de l’environnement. Les Norvégiens sont proches et aiment la nature.
Nous rencontrons Randy, cuisinière et patronne du seul et unique restaurant du coin, qui fait office de lieu chaleureux, ou tout le monde se retrouve avant de rentrer chez soi. Randy est amoureuse de cette nature norvégienne, passionnée par la région, et même engagée en politique, elle se bat pour la défense de l’environnement, des montagnes, mais aussi des mers. Elle n’oublie pas les valeurs humaines qui lui sont si chères. Nous nous prenons au jeu et passons quelques soirées à l’écouter, nous parler de cette culture nordique, des histoires vikings, des enjeux du monde moderne et les menaces que l’homme s’est créées…
Sur les skis, nous avons l’embarras du choix, des centaines d’itinéraires, plus ou moins accessibles. Pour certaines approches nous n’avons pas le choix, il faut utiliser les petits bateaux de pêcheur pour rejoindre les plages de galets de l’autre côté du fjord. Les plus belles pentes à skier sont défendues par des côtes tortueuses, reculées. Loin de nos habitudes de skieurs « gâtés », par la facilité des remontées mécaniques, nous nous prenons au jeu d’un ski un peu plus proche de la nature. Une approche douce, en kayak de mer, nous permet de contempler un peu plus la grandeur et la beauté des lieux qui nous entourent.
En ski de randonnée, la notion de temps prend une autre allure, on ne sait plus vraiment si les minutes deviennent des heures ou inversement si les heures deviennent des minutes. Cette montée lente, dans le calme, la contemplation, et sous les rayons du soleil qui chauffent nos corps, laisse place à la vitesse, la concentration sur une gestuelle, l’adrénaline de la pente.
Comme à chaque fois la découverte et la pratique des activités locales est toujours enrichissante. Sylvain et moi nous essayons à la pêche dans les fjords. En dépit des conseils de notre ami Toré, elle se limitera à quelques algues en bout de ligne…
Au-delà d’une aventure entre copains, ou le partage est essentiel, ce que l’on retiendra, ce sont les vastes territoires, la nature qui semble dominer l’homme. Cette ambiance dans laquelle nous avons skié contraste et le mélange des éléments : l’océan, la mer, la neige, les montagnes. Ces derniers virages à ski à quelques mètres de l’océan avec l’odeur des embruns et des algues.
Quel est le prochain arrêt ?
Matthieu et Sylvain