Patagonia ! Siguiendo El camino del Tehuelche

Bruno Compagnet se souvient de la Patagonie. Un voyage au bout du monde où les planches glissent devant des paysages indomptés sous le regard de montagnes mythiques.

Inquiet, cramponné à mes bâtons, j’attends que la fureur des éléments se calme un peu. Ce matin, j’ai mangé d’étranges petits champignon jaunes appelés “chawchaw” ou ”pain de l’indien”. Je me sens bizarre sans toutefois mettre en doute mon petit déjeuner. Si ce n’était la présence magnétique du Cero Fitz Roy, je serrais déjà redescendu me mettre à l’abri dans les bois. Je me relève prudemment car le vent m’a déjà couché plusieurs fois et je reprends mon ascension, savourant le plaisir d’être sur une magnifique montagne du bout du monde. La Patagonie, un nom qui résonne comme l’aventure. Combien de fois ai-je parcouru en rêve ces immensités à la beauté sauvage et préservée ?

Depuis une grosse semaine, avec Nicolai et Kari, nous promenons nos sacs et nos skis entre Qualafate et Chalten. Après un petit crochet par l’impressionnant front de glace du Perito Moreno, nous sommes arrivés à Chalten, un petit Chamonix des Andes et point de passage pour gagner le glacier continental. C’est aussi un haut lieu de l’alpinisme depuis plus d’un demi siècle. Accueillis à bras ouverts, on se surprend rapidement à parler à un parfait inconnu comme s’il s’agissait d’un ami proche. Et, forcément, au bout de quelques jours, certains le sont devenus. Comme Swamy qui a quitté son Venezuela natal pour travailler et apprendre à skier à Bariloche. Un mec en or qui nous file un sérieux coup de main au camp de base.

Et puis du reste, sans eux, je ne serrais pas ici à lutter contre ce vent du diable. Merlin, guide et très bon skieur, vient juste de franchir la crête dans une ambiance surréaliste. Je traverse à mon tour, puis Kari nous rejoint. Le vent s’est un peu calmé. Merlin sort un thermos de thé. À nos pieds la pampa s’étend à perte de vue, patchwork de couleurs où serpentent des rivières qui scintillent d’un soleil froid. Je pourrais rester des heures à contempler l’œuvre de dieu et à me noyer dans l’oubli de moi-même. Cette vision de la Patagonie, fragile et éphémère comme un dessin d’enfant tracé sur la buée d’une vitre, avant que les nuages ne l’emportent avec eux.

Le vent travaille la neige comme le sable du désert et nous glissons sur un délicat tapis compact pour rejoindre un couloir raide et enchâssé. Toujours le même scénario, mais ici, le parfum de l’aventure est celui du feu de camp, de l’amère goût du maté et de la saveur de la viande.

Allongés dans l’herbe, après une belle bagarre avec la végétation pour sortir du canyon, nous savourons notre descente. Bientôt, je ferai mon sac pour rejoindre l’Europe avec un putain de souvenir de ski du bout du monde et le curieux sentiment d’avoir rattrapé l’hiver.

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